mercredi 27 août 2008
Réveil
A demi caché sous un nuage
Un soleil
De retour devant la montagne
En suivant la rive
Un autre soleil
Resplendissait
( )
Ce matin à mon lever
Un soleil
Explose les nuages
Avant que je ne parte sur le lac
Suivre le ruissellement des rayons
De milliers de soleils
Qui s'allument et s'éteignent
Étoiles d'eau
( Je serai noyé de lumière
Devant le soleil
Je serai tué de son feu
Qui m'emporte ailleurs
Je ne sais où
Où des milliards de soleil naissent
Avant de couler dans l'oreille qui dort
Bercée au son de l'eau)
lundi 25 août 2008
L'aile
Au dessus de moi
Aile de chauve souris
Passant si rapidement
Une ombre à mes pieds
Dans l'ombre du boisé
Elle me rappelle un homme mort que j'ai aimé
À la vie plus rapide que la mienne
Qui passe encore dans mes pas
Au moment ou je m'y attends le moins
Dans la forêt dans la nuit
Ou plus loin encore
vendredi 22 août 2008
La vie de la pluie
Le tronc des arbres noir de tant d'humidité et de pluie
(Pluie de deux jours)
Les feuilles vertes attaquées de lumière
Combattent de leur transparence
(Bougeant légèrement)
De leur eau verte
Retiennent la lumière
(Un moment)
Avant d'être défaites
Immolée leur splendeur translucide
(Bientôt)
Au sol jaunies
Exténuées de vivre
(Maintenant)
Le tronc des arbres gris au vent
jeudi 10 juillet 2008
Entre montagne et eau, la lumière des fumées et l'ombre des nuées sont sans cesse changeantes. Tantôt elles apparaissent, tantôt, elles s'estompent. En plein éclat ou dissimulées. elles recèlent en leur sein le Souffle et l'Esprit. Les Anciens cherchaient par tous les moyens à en sonder le mystère : par le Pinceau-sans-Pinceau pour en capter le Souffle et par l'Encre-sans-Encre pour en saisir l'Esprit.
Pu Yen-Y'U
mercredi 9 juillet 2008
Moucherolle tchébec
Moucherolle de la volonté enlacée à l'air, qui creusait l'espace pour attraper la mouche, la libellule, le maringouin. Qui allait de cette branche d'arbre vivante à cette autre branche sèche puis à son nid pour apporter les mouches aux petits becs s'ouvrant sans fin. Qui passait sans cesse devant mes yeux, me rappelant cette volonté toujours présente en nos pensées et nos gestes, souvent superflue, parce que liée à ce qui n'est pas nécessaire ou à ce qui ne semble pas l'être, comme l'art. Cette volonté dont il faudrait si souvent départir pour se laisser porter uniquement par le vent, devenir mouvement.
Deux moucherolles alignées sur une branche, le mâle et la femelle, la femelle lisse sur la branche son bec pendant que le mâle me surveille. Je ne dois pas bouger, sa volonté contre la mienne. Je n'arrive pas à détacher mon oeil de ses mouvements de tête suivis de ses mouvements de queue. Lui, il veut aller porter la mouche à ses petits, emprunter à l'air son mouvement pour devenir air lui-même, se déplacer le plus furtivement possible, pour nourrir l'air, en retour, de cette qualité de volonté efficace qui émeut. Je tourne la tête, il passe sans que je le voie. J'entends un léger déplacement d'air.
Les jours s'allongent, les nuits raccourcissent. Les moucherolles vont et viennent. Plongeant pour attraper l'insecte d'un coup de queue simple, elles reviennent sur la branche qui se balance, en lançant un simple pépiement qui affirme : il faut être dans l'air le mouvement qui sans cesse apporte et enlève, tue et fait vivre.
Hier, elles étaient parties. Le nid était vide. Je l'ai tout de suite senti en arrivant au lac. Ils n'étaient plus là ces guetteurs admirables de nos moindres mouvements. Nous étions inquiets un instant d'une mort possible des petits, mais le nid, au coin du toit de la véranda, était intact. Ils étaient partis tout simplement.
jeudi 3 juillet 2008
Étoile du matin
Est-ce le soleil qui émet des signes?
Ces étoiles dans les vagues, quelle langue parlent-t-elles, me parlent-t-elles?
La langue du commencement ? La langue de la fin de l'étoile? De son onde qui s'éteint?
Toi qui es à côté de moi, tu peux continuer de parler.
Son langage est sur le lac, je le vois, il me parle, mais de quoi?
Quel langage est-ce, sinon une musique qui vibre des étoiles?
Une langue ondule sur le lac une nouvelle portée d'étoiles, c'est ce qui m'est dit?
Toi à côté de moi, tu peux continuer de parler ta langue humaine.
Musique d'étoiles sur le lac et le ciel brulant de cette étoile, son bleu versé sur nous, qui parlons?
N'arrêtes pas de parler, toi qui est si proche de moi, ne sais-tu pas que de toute façon ta langue chaude je la goberai?
Ne sais-tu pas que je mangerai ta langue d'étoiles soulevée par la vague qui succède à la vague, à la vague qui a fait disparaitre l'étoile sur le lac?
Toi à côté de moi, ton silence est dans ma bouche et les étoiles sont entre les vagues le cri des étoiles.
samedi 28 juin 2008
Garage sans auto
à ma voisine
Ouvrant la porte de mon garage à Montréal ( j'écris dans un garage) j'entends les chants des oiseaux. Ce matin un oiseau nouveau, dont je ne connais ni le nom ni l'allure, donne de la voix. Est-il d'une espèce plus tropicale? A-t-il les ailes bleues et la gorge verte? Est-ce un égaré? Un transfuge ? Un réfugié politique des espaces saccagés?
Un peu fatigué d'écrire, je me lève. Sortant dans la cour, j'entends un bruit dans les feuillages de mon kiwi actinida. C'est un petit oiseau-chat dans son nid de feuilles, curieux animal qui s'échappe doucement d'un bond en flottant dans l'air. Sa propriétaire lui a passé au cou un collier à clochettes, ce qui le rend inapte à la chasse. Heureusement !
Revenant dans mon garage, et m'asseyant pour écrire, j'imagine Montréal sans automobiles. Pendant de longues heures, le matin, on n'entendrait que les chants d'oiseaux et les pas des passants pressés d'aller au travail, regrettant dans le métro leur passage trop rapide sous les arbres où chats et oiseaux chassent le temps perdu.
Car en marchant nous créons une émotion qui donne vie au paysage, nous lui donnons une partie de nous-mêmes qui l'imprègne pour toujours.
Or, effectivement en écoutant les oiseaux, en aspirant les odeurs des bleuets en fleurs et des foins que l'on fauchait un peu plus au sud, je sentais monter en moi cette force morale qui avait donné à nos ancêtres la possibilité de survivre dans cette région ignorée du reste du monde.
Roger Fournier, Gaïagyne
Bain de sons
Le matin, je m'assois sur la galerie. De la montagne, qui est de l'autre côté du lac, et tout autour de moi, les oiseaux dans l'air humide d'une pluie nocturne m'offrent un bain de chants. Je m'enrobe de cette eau soyeuse. Toutes les pores de ma peau absorbent les sons de l'aurore.
Brume
Je ne voyais rien devant moi que ce blanc de nuage. Le soleil la perçait en un seul point, y déposant une étoile. Regardant de la fenêtre, j'imaginais un paysage silencieux. Je me disais que pour les oiseaux cette brume était un espace infranchissable et mortel, où l'on ne peut ni voler ni trouver de la nourriture. J'ai ouvert la porte. Le foisonnant des cris et des chants dans l'air. Plus de mort. La mort est le silence. Que le délice de ce qui m'est invisible et le scintillement des chants.
vendredi 23 mai 2008
Trille
Comme au printemps
L'eau qui s'écoulait
Claire
A cessé de s'écouler
Noire
Elle est ce qui pourrit
Le bois décédé
D'où nait la vie
Autour d'elle
Les fougères ont poussé comme un hasard
Entre elles
Les trilles
Trilles blanches
Fleurissent
Se colorent
Roses
Brunes
Se fanent
Comme un printemps
lundi 31 mars 2008
Une ville en boite
Sur le mont Royal, au loin, les tours de l'Île des Soeurs ont la même forme que le lampadaire à l'avant-plan que je vois du chalet du Belvédère : une forme plus ou moins rectangulaire surmontée d'un petit chapeau. L'un et l'autre sont analogues. La lampe du lampadaire est ronde alors que l'édifice appartement de l'Île des Soeurs est rectangulaire. Il en va ainsi de notre civilisation de boîtes. Cela a commencé depuis des millénaires, cette construction rectangulaire. Elle est un des fondements de notre civilisation. Depuis peu la boîte est déformée par le vent. Les formes des automobiles s'arrondissent et surgissent dans le paysage des tours cylindriques dont chacun des appartements aux formes rondes tourne au vent, procurant de l'énergie aux habitants. Peut-on imaginer un paysage urbain composé de ces formes arrondies, lissés par le vent, douces à l'oeil. L'image du cercle appelle celle du recyclage, ce qui tourne sans cesse, ce qui est entrainé par le vent, ce qui est sculpté par lui.
mardi 25 mars 2008
Celui qui voit la loutre
Celui qui voit la loutre, je le connais depuis longtemps. Il s'est arrêté, il a entendu un bruit d'eau. Il a vu dans le ruisseau un museau sortir et entrer très rapidement. Je me suis immobilisé moi aussi. J'ai entendu tous ces oiseaux qui l'accompagnent quand il va en forêt. Mais il ne le sait pas qu'il les attire, qu'il les connaît, qu'il les convoque. Que l'espace de silence qu'il crée, les assemble autour de lui. Il a beaucoup lu sur eux, dans son enfance, puis les a abandonnés à eux-mêmes. Il me dit : j'ai vu une loutre. Je pense qu'il ne peut y avoir de loutre ici, à Val-David, dans ce parc très fréquenté. Que c'est peut-être une martre. Il est affirmatif, ce ne peut-être qu'une loutre. Et je suis certain qu'il a raison. Lui, il ne sait pas qu'elle a levé le nez pour le voir surgir dans le paysage. Il ne sait pas que je n'ai jamais vu de loutre. Je regarde le ruisseau, il est calme et fluide et ne révèle aucun autre mouvement que celui de son écoulement. Nous nous arrêtons un peu plus loin. Encore une fois, cela chante, cela s'élève. Il ne le sait pas qu'il appartient à la forêt et au calme de ce paysage.
mardi 18 mars 2008
Sons
Le paysage est tout entier contenu en ses sons. Chuintement, effleurements, gazouillis, frottements. Il faut fermer les yeux. Le paysage s'assemble, se lève en soi. Il prend corps. Il est composé, il est traduit en mots qui emportent et vous font apparaître dans le paysage, comme un corps, votre corps, qui voit le mouvement qui vous a créé dans ce paysage où surgissent oiseaux, branches, feuilles, arbres. Sifflements, effleurements d'eau sur la roche, glougloutements. Vous êtes d'eau. De l'eau prend forme. De l'eau parle de la neige. Souffle doux d'un coeur qui bat longtemps. Chaleur doucement insinuée goutte à goutte dans le sol. Je coule sur le sol. Je me lève. Des oiseaux aux ailes bleus effleurent mon visage transparent. Tourbillons. Fracas. Une cascade et son miroitement d'arcs en ciels. Autant dire que je me brise. Que le son s'enfle en moi pour me disloquer. Telle est ma mort. Un court instant. Le paysage tue constamment son silence. Les sons entrent en moi. Ils se dispersent et résonnent. Les branches sont agitées par le vent. J'aime ce froissement des feuilles attachées aux arbres dans le froid. Il craque. Il fissure. L'eau de nouveau détruit l'embâcle. Les paroles se libèrent. Un humain dit enfant. Une femme forme un rond de sa bouche. Le bruit de la langue qui humecte les lèvres. Une paupière glisse sur un oeil. Le sifflement d'une poudre sur la neige. Le visage se couvre de frimas. L'oeil regarde l'entonnoir de sons. Je ne parle plus. Le silence se déchire. Du sol émerge la plante en un léger chuintement, si tendre. Ce vert perle dans l'azur. Ce reflet dans l'eau de branches. Elle scintille de sons l'eau. Elle m'enlace une autre fois. Je suis debout, couvert de ses sons. J'ouvre le paysage avec ma bouche.
vendredi 14 mars 2008
Pinacle
Texte retiré temporairement
Publié dans la revue Estuaire no. 133 été 2008 intitulé Jardins d'ombre. En librairie.
jeudi 13 mars 2008
Inachevée
Le poète et la poésie ont inventé la nature, mais c'est un poème inachevé. Nous sommes à construire cette nature. Auparavant, nous affrontions l'univers et l'affrontant nous le détruisions. Il faut désormais vivre avec elle. Ce monde a été fait pour nous, ou plutôt nous avons été faits par ce monde pour que nous puissions de toute notre fibre vivre en lui. Indéfiniment, dans la joie. Ainsi cette neige qui tombe.
samedi 1 mars 2008
mardi 22 janvier 2008
Citation de Ashini de Yves Thériault
Qu'il soit gens des hautes pentes ou gens de vallons tortueux, l'homme scrutateur de pistes comme moi n'a pas craint la solitude s'il n'a jamais eu d'autre sort.
C'est d'avoir été et de ne plus être qui arrache à l'homme le dernier lambeau de sa joie. Il n'est point de science plus simple que celle de marcher seul dans un sentier.
Mais il n'est point de science plus complexe que de parcourir seul des sentiers où d'autres auparavant cheminaient avec soi.
vendredi 11 janvier 2008
Économie du paysage
Paysage de la fuite
Dans le film d'Arcand, L'âge des ténèbres, horizons bouchés de la banlieue, horizons clos de la circulation, horizons circulaires du travail. Le personnage principal, un fonctionnaire provincial, clôt tout espoir pour le client qui lui fait face dans un cubicule où ils ne peuvent agir, où ils sont tous les deux pris au piège. Avant le travail, dans les rues, bouches bouchées des passants, après le travail, oreilles saturées de bruits par les téléphones portables. Tout est retourné vers soi et n'aboutit qu'à une affirmation vide de soi. Le fonctionnaire s'évade, s'échappe, et affronte la solitude, non pas tant pour se rejoindre, mais après la mort de la mère, pour retrouver la maison du père. Là Arcand nous donne certaines des plus belles images du paysage québécois. Le personnage principal fait de nouveau corps avec le paysage. Il circule dans sa lumière. Il voit l'horizon, il est ce regard qui passe de l'eau du fleuve à ces magnifiques îles lointaines. Sons des vagues, l'unique son des vagues. Je me prends à l'envier de tout mon coeur. Qu'est-ce que j'attends pour fuir moi aussi? Rien, précisément. Comme lui, qui n'attendait rien. Il pèle des pommes, une femme lui sourit. La rondeur parfaite des pommes où le regard s'attache un instant pour glisser vers l'horizon. Merci Denys Arcand!
Nuit
Texte retiré temporairement