lundi 21 septembre 2009

La pyramide

Vers un nouveau paradigme de circulation routière ?

J'ai longtemps fait l'aller-retour boulot dodo en automobile, depuis peu je fais les cinquante kilomètres de mon trajet quotidien en bicyclette, cinq fois par jour. Le vélo est devenu mon véhicule de transport urbain principal. La plupart des gens font du vélo, beaucoup l'utilisent pour faire des balades ou des excursions, mais qu'en est-il de la bicyclette comme véhicule? J'avais utilisé la bicyclette pendant de nombreuses années comme moyen de transport, puis j'ai conduit une automobile. Pendant toutes ces années de conduite automobile, je ne me suis jamais senti agressé par un cycliste, ni mis en danger par la conduite d'un de ceux-ci. Parfois, ils se mettent eux-mêmes en danger, mais en aucun cas, on n'entendra la nouvelle suivante : un automobiliste meurt frappé par un cycliste. Le contraire est toutefois la règle, des véhicules automobiles heurtent mortellement des cyclistes. Et j'ai vu maintes fois des automobilistes faire des manoeuvres très dangereuses pour les autres automobilistes et les cyclistes. Conduire une bicyclette dans la circulation automobile urbaine est une activité dangereuse, c'est ce que j'ai constaté en utilisant ma bicyclette comme véhicule, de retour dans les rues de Montréal, après plusieurs années d'absence.
On se rend vite compte, à circuler dans les rues d'une grande ville comme Montréal à vélo, que celui-ci n'est pas considéré comme un véhicule. Aucun espace véritable de circulation ne lui est alloué, si ce n'est la bande d'un mètre ou moins entre la ligne blanche et la rangée de véhicules stationnés. J'ai constaté, en circulant de nouveau dans cet espace, qu'il était devenu encore plus dangereux qu'autrefois à cause des nids de poules qu'il faut contourner, en plus des portières automobiles qu'il faut éviter et des automobiles qui vous frôlent. Le cycliste doit être constamment aux aguets dans nos rues, car sa vie est en danger, en particulier au printemps quand les automobilistes n'ont pas encore compris que la route n'est pas leur propriété exclusive.
Le cycliste, s'il veut sauver sa peau, doit se tenir à bonne distance des automobiles stationnées, à au moins un mètre s'il circule à vitesse moyenne et à plus d'un mètre, s'il augmente sa vitesse. De ce fait, il empiète, et il se doit de la faire pour sa propre sécurité, sur la voie de circulation que l'on considère comme étant dédié aux automobiles, mais qui est en fait dédié à la circulation des véhicules. Et on peut se demander pourquoi donc le cycliste qui va à trente kilomètres à l'heure dans une ville où l'on s'apprête à limiter la circulation des véhicules motorisés à quarante kilomètres ne pourrait pas prendre toute une voie de circulation pour se transporter d'un endroit à l'autre. N'est-il pas une personne qui circule tout autant que l'automobiliste seul dans son automobile en route vers Laval ou l'ouest de la Ville?
Constamment aux aguets, alerte, écoutant les bruits de circulation, évitant nids de poules et portières, le cycliste ne circule pas dans la ville comme un automobiliste. Il n'a aucune protection, son véhicule est mu par l'énergie humaine et le plus grand de ses efforts consiste à vaincre l'inertie de son poids et de son véhicule. L'automobiliste n'a pas ce problème, non seulement il est protégé, mais en plus il n'a qu'a poser le pied sur une pédale pour accélérer. Le cycliste voudra économiser son énergie en réduisant ces moments où il doit vaincre son inertie, d'où sa tendance à brûler les feux rouges. Quand il le fait, contrairement à l'automobiliste ( et ils sont légions) il ne met pas la vie des autres en danger, mais il risque uniquement la sienne, et il faut bien le dire, il en a l'habitude!
Le cycliste est plus haut que l'automobiliste et il peut voir facilement à 360 degrés. À une intersection, le cycliste jugera plus facilement et plus rapidement que l'automobiliste de la situation. S'il n'y a ni piétons, ni automobiles devant lui, il ralentira puis continuera. S'il constate qu'il y a un fort trafic, il s'arrêtera et avancera lorsqu'il sera certain de ne pas se faire heurter par une automobile ( il n'est pas fou) ou de heurter un piéton. La plupart des cyclistes agissent ainsi; et c'est tout simplement leur mode de transport qui les y incite. Comme automobiliste, j'ai été très rarement dérangé par un tel comportement. Les feux de circulation ont été mis en place pour régir la circulation des très dangereuses automobiles qui vont très rapidement et qui peuvent tuer d'autres conducteurs, des cyclistes ou des piétons. Pour ce qui est de la bicyclette, c'est un véhicule mu par l'énergie humaine qui commande un autre type de régulation de la circulation. De même que dans les villes du Québec on a admis que le tournant à droite des automobiles au feu rouge n'était pas dangereux (ce qui est plus ou moins vrai) il faudrait admettre qu'un passage du feu rouge par un cycliste après arrêt n'est pas non plus dangereux et il devrait être autorisée en plus d'une série d'autres modifications des règles de la circulation des véhicules.
Comme véhicule, la bicyclette n'est pas polluante, elle prend peu de place et a une empreinte écologique très faible. En ce sens, la circulation des bicyclettes dans une ville qui se veut à la fois écologique et d'avant garde devrait être favorisée au maximum. C'est un peu ce qui a été fait avec la mise ne place des Bixis à Montréal et il faut féliciter l'administration municipale pour cette initiative. En fait, l'utilisation de la bicyclette comme moyen de transport devrait être récompensée. En lieu et place, dans la plupart des cas, le cycliste n'a presque aucun espace qui lui dédié et quand on trace ou aménage des voies cyclables elles sont trop étroites et ont une capacité insuffisante. Le cycliste risque sa vie et sa santé en circulant sur des routes trouées, selon un mode circulatoire où il n'a pas comme tel de droits et selon une signalisation qui est faite principalement pour les automobilistes. En ce sens, il partage les mêmes problèmes que les piétons. Ceux-ci forment nécessairement, dans tous les cas, la majorité des personnes qui circulent, puisqu’automobilistes et cyclistes descendent de leur véhicule. Les piétons une empreinte écologique plus faible encore que les cyclistes, et on devrait doublement récompenser ceux qui utilisent le transport en commun. Au contraire, on les entasse dans des autobus ou des wagons de métro non et pleins à ras bord. Telle est la dure loi de la circulation urbaine et du développement!? Et je ne vous parlerai pas de mes jours comme utilisateur du transport en commun! Nous avons choisi un mode de développement qui favorise l'étalement urbain soit, mais ce n'est pas une raison pour un jour renverser la vapeur. Il faut considérer la circulation urbaine à partir de la pyramide de la véritable circulation des personnes, en commençant par les plus nombreux et des plus agiles, les piétons, pour aller vers des utilisateurs ou les véhicules moins polluants comme les bicyclettes ou les autobus et terminer par les véhicules les plus polluants et encombrants.


La pyramide de la circulation

Cette pyramide de circulation dont la base est la circulation piétonnière accorde une priorité absolue au piéton sur les autres personnes qui circulent sur la voie urbaine. S'il le juge possible, le piéton doit pouvoir traverser une voie de circulation, et alors tous les véhicules doivent lui céder le passage, et ce, dans les villes et les banlieues, surtout dans les banlieues à vrai dire où la circulation automobile est plus rare que dans les quartiers plus denses d'une ville centrale! Et malgré que l'on dise que les banlieues sont un endroit idéal pour élever des enfants, ce n'est surement pas ce qui arrive, n'est-ce pas!?
Les autobus devraient toujours avoir priorité sur les automobiles, bénéficier d'un système de circulation qui leur donne le droit de passage dès qu'ils veulent franchir une intersection. Pour ce qui est des cyclistes, dans les rues principales, s'ils sont en groupe, on devrait leur permettre d'utiliser une voie complète de circulation. Dans toutes les rues secondaires à sens unique, ils devraient avoir priorité sur les automobiles. Dans les rues secondaires à doubles voies, on devrait déterminer que certaines sont des voies de circulation prioritaire pour les cyclistes. On pourrait construire ainsi un réseau de circulation secondaire pour les vélos qui pourrait se rabattre sur un réseau de voies de circulation principales à larges bandes. De plus, dans les villes où le vélo occupe une place importante, tout en donnant la priorité absolue aux piétons, des amendements aux règles de signalisation devraient être adoptées pour favoriser la circulation de ces véhicules hautement non polluants et peu encombrants, soit l'exemption du stop, la transformation du feu rouge en feu jaune sur les voies secondaires et celle du feu rouge en stop sur les voies de circulation principales. Pour ce qui est des automobilistes, outre l'incitation à l'utilisation des transports en commun par l'augmentation des tarifs de circulation, leur usage devrait toujours êre restreint selon la hiérarchie de la pyramide circulatoire : priorité aux piétons, puis aux véhicules moins polluants comme les vélos ou les voitures électriques, droit de passage prioritaire pour tous les autobus ou les tramways. Dictature écologique!? Aucunement, en ce moment c'est le développement urbain basé sur l'expansion des banlieues, la pollution et la dilapidation des sols arables qui s'impose. Au contraire d'une atteinte aux libertés, ces mesures assureront un juste un équilibre entre circulation urbaine polluante et non polluante, entre l'usage convivial des voies de circulation et son usage lourd, par l'allocation aux véhicules non polluants des avantages qu'ils méritent du point de vue du développement durable. Qui n'est plus un luxe, qui est devenu une nécessité absolue.