mercredi 21 novembre 2007

Respiration

pour Sophie et Sam


Lèvres roses

Peau brune

Bleu azur



Tout cela est lent



Nuages rosées

Enlacés au bleu transparent

Sur un lit de branches



Tout cela respire

samedi 10 novembre 2007

Nuage au dessus de la forêt des esprits dépeuplée : Le paysage des limbes


Extrait du journal Le Monde :

Cité du Vatican -- Les théologiens du Vatican sont convenus après des mois de travaux que les limbes n'existent pas et que les petits enfants morts sans baptême vont directement au paradis, mettant fin à une tradition multiséculaire qui a tourmenté des générations de mères. Dans un document adopté avec l'accord du pape Benoît XVI, la commission théologique internationale du Vatican a conclu qu'il existe «des bases théologiques et liturgiques sérieuses pour espérer que, lorsqu'ils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés». L'idée des limbes reflète «une vision trop restrictive du salut», ont-ils tranché
Cet avis autorisé prend le contre-pied de plusieurs siècles de croyance sur l'existence des limbes («bordure» en latin), un lieu situé entre l'enfer et le paradis où avaient été relégués les bébés morts non baptisés.


Mais que ferons tous ces non-baptisés, les Homères, les Platons, les Aristotes, qui n'ont pas reçu le précieux sacrement, puisqu'ils sont nés avant la venue du Sauveur ? Je crois que tous ceux-là se sont enfui, suivant les conseil d'Ulysse, avant d'être détruits. Ils sont dans ce grand nuage qui s'avance vers moi!

Virgile parle à Dante, chant 4 de la Divine Comédie :


Et lui à moi : « L'angoisse de ceux qui sont en bas empreint mon visage de cette pitié que tu prends pour de la frayeur. Allons ! la longue route nous presse. » Ce disant, il entra et me fit entrer dans le premier cercle qui ceint l'abîme.

Là, selon qu'en jugeait, l'ouïe, point de gémissements, mais des soupirs dont frémissait l'air éternel. Et ces soupirs venaient de la tristesse, toutefois sans souffrances, que ressentaient des troupes nombreuses et d'enfants, et de Femmes, et d'hommes.

Le bon Maître me dit : « Tu ne demandes point qui sont ces esprits que tu vois? Or, avant d'aller plus loin, je veux que tu saches qu'ils ne péchèrent point : mais, si leurs oeuvres furent bonnes, cela ne suffit, parce qu'ils ne reçurent point le baptême, qui est la porte de la foi que tu crois. Ayant vécu avant le christianisme, ils n'adorèrent point Dieu dûment, et je suis moi-même de ceux-là. Pour ces choses qui nous ont manqué, non pour autre crime, nous sommes perdus, et notre seule peine est de vivre dans le désir sans espérance. »

Une grande tristesse me prit au cœur lorsque je l'entendis ; car je reconnus des gens de haute valeur ainsi suspendus.

— Dis-moi, mon Maître, dis-moi, Seigneur, commençai-je, voulant être certain de cette foi qui vainc toute erreur, jamais aucun, par ses mérites ou les mérites d'autrui, est-il sorti d'ici pour être heureux ensuite ?

Et lui, qui comprit mon parler couvert, répondit : « J'étais nouveau en ce lieu, lorsque j'y vis venir un Puissant, couronné du signe de la victoire .

Il en tira l'ombre du premier père, d'Abel son fils, celle de Noé et celle de Moïse, législateur et obéissant ; le patriarche Abraham et le roi David ; Israël, et son père et ses enfants, et Rachel pour qui il fit tant, et beaucoup d'autres, et les fit heureux ; car je veux que tu saches qu'auparavant les âmes humaines n'étaient pas sauvées. »

Nous ne cessions point d'aller pendant qu'il parlait, mais nous traversions la forêt, je veux dire l'épaisse forêt des esprits. Nous n'étions pas encore descendu beaucoup au-dessous du sommet, quand je vis un feu rayonnant autour d'un hémisphère de ténèbres. Nous en étions encore un peu loin, mais non pas tant que je n'y discernasse en partie qu'une gent illustre occupait ce lieu.

— O toi, qui honores toute science et tout art, qui sont ceux-ci que sépare des autres l'honneur qu'on leur rend ?

Et lui à moi : « Leurs noms glorieux, dont retentit le monde où tu vis, leur acquièrent dans le ciel la faveur qui tant les élève. »

Lorsque j'entendis une voix : « Honorez le grand Poète son ombre qui était partie revient. »

Lorsque la voix se tut, je vis quatre grandes ombres venir à nous ; elles ne semblaient ni tristes, ni joyeuses.

Le bon Maître me dit : « Regarde celui qui, avec cette épée en main, marche comme seigneur devant les autres : celui-là est Homère, le poète souverain, et l'autre qui vient ensuite est Horace le satirique ; Ovide est le troisième, et le dernier Lucain ; quoiqu'à chacun d'eux, comme à moi, convienne le nom qu'a prononcé la voix seule , ils m'honorent et en cela ils font bien. »

Ainsi je vis se rassembler la belle école du roi des chants élevés, qui au-dessus des autres vole comme l'aigle.

Lorsqu'ils eurent ensemble un peu discouru, ils se tournèrent vers moi, me saluant du geste, et mon Maître en sourit :

Et plus d'honneur encore ils me firent, me recevant dans leurs rangs, de sorte que je fus le sixième parmi ces grandes intelligences. Nous allâmes ainsi jusqu'à la lumière, parlant de choses qu'il est bien de taire, comme il était bien là d'en parler. Nous vînmes au pied d'un noble château, sept fois ceint de hautes murailles, et entouré d'un gracieux petit fleuve. Nous le passâmes comme une terre ferme : j'entrai par sept portes avec ces sages, et nous arrivâmes dans une prairie d'une fraîche verdure. Là étaient des gens aux regards lents et graves, de grande autorité dans leur apparence : ils parlaient peu et d'une voix douce. Nous nous retirâmes à part, en un lieu ouvert, lumineux et haut, de sorte que tous se, pouvaient voir. Là, devant moi, sur le vert émail me furent montrés les grands esprits, et de leur vue encore en moi-même je m'exalte. Je vis Electre, accompagnée de beaucoup d'autres, parmi lesquels je reconnus Hector, et Enée, et César, armé de ses yeux d'épervier. Je vis Camille et Penthésilée de l’autre côte ; je vis aussi le roi Latinus assis avec sa fille Lavinie. Je vis ce Brutus qui chassa Tarquin, Lucrèce, Julia, Marzia et Cornelia , et, seul à l'écart, Saladin . Puis ayant levé un peu plus les yeux, je vis le maître de ceux qui savent , assis au milieu de la Camille philosophique. Tous l'admiraient, tous lui rendaient honneur. Là je vis Socrate et Platon, qui se tiennent plus près de lui que les autres ; Démocrite, qui soumet l'univers au hasard ; Diogène, Anaxagore et Thaïes ; Empédocle, Héraclite et Zénon ; et je vis celui qui si bien décrivit les vertus des plantes, je veux dire Dioscoride ; je vis Orphée, Tullius et Livius , et Sénèque le philosophe moral; Euclide le géomètre, Ptolémée, Hippocrate, Evicenne et Galien, Averroès qui fit le grand Commentaire. Je ne saurais les nommer tous, car tellement me presse mon long sujet, que maintes fois le dire reste en arrière des choses. La troupe des six se sépara en deux : le sage Guide, par une autre route, me conduisit, hors de l'air tranquille, dans l'air qui frémit, et je vins en un lieu où rien ne luit.

Sous le tunnel Rachel

J'arrive sous le tunnel Rachel, je distingue un mouvement, un homme me fait face. Son sourire force mon sourire. Il a ressenti mon incertitude. À ses pieds, je vois son lit, ses couvertes, son campement, un cercle de pierre où faire un feu. Il me parle de lui : il me dit qu'il préfère dormir ici, parce que dans les missions on le réveille trop tôt.
Je lui demande s'il n'a pas froid. Pas encore dit-il, il se résoudra à dormir entre quatre murs quand l'hiver s'installera. Je m'inquiète de savoir s'il peut trouver à manger. Il dit qu'il n'a pas de problème. Il est à deux pas du Loblaw des Shop Angus.
De l'autre côté de la track, deux cages où dorment d'autres itinérants?

lundi 5 novembre 2007

Les grands parcs de Nietzche

Il faudra prendre conscience un jour, et vraisemblablement ce jour est-il proche, de ce qui manque avant tout aux grandes villes : des lieux calmes et vastes, de vastes dimensions où méditer, des lieux possédant de longs portiques très spacieux pour le mauvais temps ou l'excès de soleil, où ne pénètre pas le vacarme des voitures et des bonimenteurs et où une bienséance plus raffinée interdise même au prêtre de prier à voix haute : des édifices et des jardins qui expriment comme un tout la sublimité de la réflexion et du cheminement à l'écart. Le temps n'est plus où l'Église détenait le monopole de la médiation, où il fallait toujours que la vita contemplentiva soit complètement vita religiosa : et tout ce que l'Église a bâti exprime cette pensée. Je ne saurais comment nous pourrions nous satisfaire de ses édifices, même si on les dépouillait de leur destination ecclésiastique; ces édifices parlent une langue bien trop pathétique et partiale, en tant que demeures de Dieu et sièges fastueux d'un commerce supramondain pour que nous, sans-dieux, puissions y penser nos pensée. Nous voulons nous être traduits en pierre et en plante, nous voulons nous promener en nous-mêmes lorsque nous parcourons ces portiques et ces jardins.

Nietzche, Le gai savoir

vendredi 2 novembre 2007

Automne 2

Je vois à travers la forêt les feuilles colorées en teintes qui se pénètrent. La lumière du ciel, tendu au dessus de moi par les hautes branches des arbres, traverse des étages de feuilles jaunes et dorées. Le sentier, devenu ligne rougeoyante, attire le regard vers la vibration chatoyante des feuilles suspendues au gris des arbres. La forêt respire, dans cette chaleur de début novembre, en ce temps nouveau d'une certaine catastrophe, elle est tendre et suave, comme une amante attendant. Dans cet automne sidérant, tout est lumineux et doux. Au repos.