dimanche 28 octobre 2007

Contre Rabaska

Nos députés ne se promènent pas souvent sur la terrasse Dufferin, s'ils le faisaient et s'ils étaient sensibles au paysage, le décret autorisant le projet Rabaska n'aurait pas été promulgué. Je joins ma voix à ceux qui s'y opposent, au nom d'une mémoire et d'un respect du paysage, grandiose à cet endroit.


samedi 27 octobre 2007

Sollers 2

La thèse que pose Nietzsche pour finir est la suivante : puisque la plèbe est en haut aussi bien qu’en bas, et ça va continuer de plus belle, il faut une aristocratie d’esprit. Mais en quoi la noblesse consiste-t-elle désormais ? Blog de Sollers
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Je me suis abonné au blog Sollers et j'imagine que c'est Sollers qui y parle (écrit). En fait, il fait beaucoup de copier-coller, quoiqu'il s'efforce aussi de bloguer. Le lisant, me sentais-je moi aussi partie de cette aristocratie de l'esprit à laquelle il me faudrait appartenir? En ai-je la noblesse ? En ai-je l'esprit?
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La force de Sollers est toujours de remettre en cause la littérature, d'en convoquer les fondements. Voir sans voir, c'est-à-dire lire et entendre, et entendant, voir ce qui ne peut être vu.
Le fondement de la littérature étant de remettre en cause, puisque c'est l'art de la fiction, de dire la vérité par la fiction rend le réel fictif, l'auteur étant inclus dans ce jeu... comme maître de jeu?
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Lecture de Paradis 2, quelques beaux moments, des phrases toujours claires, une énonciation atomistique, chaque mot disposé pour foudroyer (vous voulez être Juliette?). J'ai été surtout marqué par l'apparition de Virgile dans le texte et puis ces moments de pur bonheur, quand la chape du discours social tombe ( la chape de la parodie tombe – pour devenir paradis). Dire para. L'art de Sollers : ce nouveau genre littéraire : le paradis. Parodier le discours pour montrer qu'il recouvre ces états de paradis, quand le corps est convié à sa parole véritable, à son réel vibrato. Question de résonnance?
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L'IRM, série de résonateurs. La longueur d'onde étant déterminée par la longueur de la corde qui relie deux points, l'être à identité multiple résonne de la distance entre ces multiples identités puisqu'il ne peut être un sous le regard de l'autre, il sera plusieurs liés entre eux, qui résonnent. Pouvoir de résonnance, vibrato d'une voix qui en contient l'harmonique de plusieurs. Entre Sollers (Joyeau) et Sollers l'écrivain, premier vibrato.
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Paradis. Il y donne sa formule de l'être et du néant, de l'infini. Tout cela découle d'une expérience fondamentale.
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Je dois y lire ce que dit mon fils : il est facile d'écrire des tragédies. Il sera plus difficile d'écrire la Comédie du monde. Pour Sollers, l'art suprême : la paradie.
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Dans le rythme de Paradis 2, ces longues parodies d'énonciation sociales puis la percée, la trouée, la magnificence de certains moments. Comme dans La recherche, où l'on trouve de longues descriptions des usages sociaux ou des actions des personnages, comme les blasons de Charlus, puis soudain, traversée de la beauté, on pourrait dire poésie, fulgurance de l'instant.
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Le problème du noble ou de l'aristocrate est qu'il peut avoir la tête tranchée. C'est sûrement mieux du point de vue Sollersien que de ne pas avoir de corps. Je suis assez d'accord. D'autres aussi n'ont ni corps, ni pensée, la faim leur arrache le cerveau. Mais ce n'est pas une idée juste, du moins, équivalente dans le système de Sollers. Mais je ne joue pas franc jeu! Tout chose étant égale par ailleurs, on pourrait dire qu'il est préférable d'avoir la tête tranchée, un jour, que de ne pas avoir de corps du tout, du moins de ne plus posséder ce corps. C'est le pourquoi du crâne de Sollers dans Une vie divine, ce léger paquet d'os qu'il dépose là où il va, là où il se repose. C'est ce crâne d'une tête tranchée par cette révolution avortée, qui aura tué ces aristocrates ( l'étaient-ils encore ( sauf Sade bien entendu)) en même temps que l'idée de l'aristocratie.
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Une éthique chez Sollers. La constance d'une position.
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Pour moi Femmes n'a jamais traité que du pouvoir des femmes. Histoire d'un homme qui navigue entre les formes de ces pouvoirs pour y échapper – et les traverser. Comme Ulysse. N'oublions pas Circé. Et Ithaque....
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Influence de Ponge sur Sollers. Pour Sollers, dans l'écriture de Ponge chaque mot est comme un sculpture sonore, et chaque écrit un mobile fascinant qui a une véritable présence dans le temps. C'est ce que veut affirmer Sollers dans Paradis. Le roman est un espace et un temps dans lequel on entre réellement, puisque l'espace sonore existe, et que son temps est la phrase ( dans le livre – qui n'est pas seulement ce qui est imprimé).
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Évidemment, Virgile accompagne Dante en enfer, après qu'il soit entré par cette porte dérobée au sein du paysage. C'est ce Virgile qui est dans Paradis. J'ai toujours pensé même après n'avoir lu que des brides de Paradis, que ce livre montrait un enfer et que les livres qui ont suivi nommaient le Paradis. Paradis dit cet enfer qui est ce bloc continu d'une énonciation sociale et sexuelle du corps de laquelle nous pouvons nous échapper parfois, de laquelle il nous faut toujours nous évader.
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Ce que j'ai affirmé dans Sollers 1 n'est pas tout à fait juste. Pour Sollers la Société ne peut changer, elle restera la même. Pour ce qui est de l'homme ou plutôt de l'humain, le même constat s'applique. L'humain est ce qui sera fabriqué par faute d'individuation de chacun. En ce sens le rapport entre le corps et l'espace sonore, tel que je l'ai défini dans Sollers 1 n'est pas exact. D'une certaine façon le corps est dans la voix, comme écriture. Pour que l'écriture soit un geste total, il faut que le corps y passe en entier, éjecté, selon une dialectique. Nié (éjecté) pour apparaître comme la véritable individuation de celui qui parle, mobile dans le temps, par son corps, mais dans sa voix.
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«....Au contraire est un oiseau spirituel à animalité de soie et d’acier. » (Blog Sollers, article sur Mozart). C'est ce qui est recherché. Cette animalité tendue. L'homme n'est plus confronté à la nature, il ne peut évoluer : sa pensée s'est arrêtée, s'est encagée. Il lui faut la confrontation directe du corps avec l'abrupt, qui est aussi le temps, qui est aussi la sexualité dans ce qu'elle pourrait avoir de plus incisif ou si l'on veut de plus innocent.
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«Chaque époque a ses symptômes, la nôtre tourne de plus en plus autour de l’enfant mort, voire du déni de maternité avec mise au congélateur des petits cadavres.» Dans le fonds, Sollers est gentil, il veut le bien de l'humanité – ( c'est surement un être adorable!). Il ne veut pas que nous devenions des machines. Il veut que nous continuions à avoir de vraies mères!
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«La joie devant la mort contre toute immortalité» Georges Bataille. On retrouve le même mépris de l'immortalité chez Nietsche.
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«La prise de la Bastille, c'est ce rouleau, dont la disparition faisait pleurer à Sade des « larmes de sang ». Bombe de l'anti-loi, révélation minutieuse de toutes les terreurs et de toutes les horreurs possibles, en abyme, de ce qui est en train de se déchaîner dans l'Histoire, à cette époque et depuis. Puissance du style, ampleur brûlante de l'imagination, composition acharnée de plume et d'encre, météorite ravageant l'hypocrisie millénaire, stupeur.» Philippe Sollers, Blog et Nouvel Observateur.
L'écriture révèle les dessous de l'histoire, les dessous du désir, les dessous de la pulsion de mort, les véritables motifs des gestes, au-delà du discours. L'hypocrisie du crime démasquée par la mise en scène ultime du crime dans le plaisir.
Cet argumentaire se tient, même s’il reste toujours les crimes, les tortures, la douleur. Je pourrais dire que pour moi Sade est un grand écrivain parce qu'il est celui qui met en scène de façon la plus radicale le rapport du plaisir et de la douleur.Il écrit son désir sans concession et il est toujours dans le désir d'écrire. Mais cette aristocratie de Sade est-elle la noblesse dont parle Nietzche, et la volonté de puissance qu'elle exalte est-elle celle de Nietsche?
Sade nous tend un piège, soit à prendre cette fiction pour une réalité, il s'agit d'une représentation et nous sommes toujours sur le point d'y succomber, et on pourrait dire que le monde y succombe chaque jour dans le crime, le meurtre, le sang.
On pourrait dire aussi, comme Levinas, que la conception du rapport du corps et de l'esprit qui se fait jour dans Sade ne peut mener qu'à un désastre social. Mais pour Sollers, le social est un désastre.
En somme, Sollers ne dit pas tout de son rapport à Sade. Cette féroce écriture est une volonté d'érotisation qui mène à une littérature du crime et de la mort. Mystère que n'entame pas tout à fait dans tous ses aboutissements Sollers. Il se réserve une pensée définitive qu'il ne nous livre pas. Il enveloppe Sade de son propre mystère. Il en est en quelque sorte la reliure Pleiade 1982.
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J'imagine mal Sollers se livrer au travail d'éditer son Blog. Il confie surement le tout à sa secrétaire. Mais ce travail ne fait pas partie de sa description de tâches. Que fait Sollers pour qu'elle accepte d'accomplir ce léger surcroit de travail. Il lui lance des billets doux? Il lui donne du plaisir ? Il l'invite à diner? Je suis surement un pervers. Non, Sollers est un bon garçon, il fait tout lui-même, il ne l'oblige pas à faire ce qu'elle ne veut pas faire. Il la respecte parce qu'il a peur de sa bouche de crocodile. Ou il laisse parfois une note nonchalante sur son bureau : «Vous serez assez gentille pour me bloguer ça, Amandine.» Oui Amandine ! c'est pour les travaux spéciaux, dans la vraie vie elle s'appelle Mireille.

mercredi 24 octobre 2007

Je cours

Si je comprends bien, il n'y a jamais eu de temps, que cet espace. ( J’avais écrit: Si je comprends bien, il n'y a jamais eu de temps, que ce long ruban de couleurs. Je devrais écrire: Si je comprends bien, il n'y a jamais eu de temps, que cette liberté de se mouvoir dans toutes les dimensions.)

Si je comprends bien, il n'y jamais eu d'espace, que cette nage dans le temps. ( J'avais écrit: Si je comprends bien, il n'y jamais eu d'espace, que cette nage dans une matière à la fois translucide et opaque qui semble m'entourer : air comme eau, arbres comme rochers. J'aurais pu écrire: Si je comprends bien, il n'y jamais eu d'espace, que ce qui semble descendre dans le sol, infiniment et ce qui sembler monter vers le ciel, infiniment. Je voulais écrire : Si je comprends bien, il n'y jamais eu d'espace, que ce milieu dans lequel je me glisse, le temps.)

Je cours dans les feuilles rouges. Je cours dans les feuilles orangées. Je cours dans les feuilles jaunes.

Je m'arrête. Ils (temps et espace) s'assemblent puisque je les écris. J'étais immobile.

Route et chemin : Kundera

Milan Kundera - routes et chemins

Chemin : bande de terre sur la quelle on marche à pied. La route se distingue du chemin non seulement parce qu'on la parcourt en voiture, mais en ce qu'elle est une simple ligne reliant un point à un autre. La route n'a par elle-même aucun sens; seuls en ont les deux poins qu'elle relie. Le chemin est un hommage à l'espace. Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d'un sens et nous invite à la halte. La route est une triomphale dévalorisation de l'espace qui aujourd'hui n'est plus rien d'autre qu'une entrave aux mouvements de l'homme, une perte de temps.

Avant même de disparaître du paysage, les chemins ont disparu de l'âme humaine: l'homme n'a plus le désir de cheminer et d'en tirer une jouissance. Sa vie non plus, il ne la voit pas comme un chemin, mais comme une route: comme une ligne menant d'un point à un autre, de grade de capitaine à grade de général, du statut d'épouse au statut de veuve. Le temps de vivre s'est réduit à un simple obstacle qu'il faut surmonter à une vitesse toujours croissante.
(...)
Dans le monde des routes, un beau paysage signifie : un ilot de beauté, relié par une longue ligne à d'autres ilôts de beauté.
Dans le monde des chemins, la beauté est continue et toujours changeante: à chaque pas elle nous dit «Arrêtes-toi!».

Milan Kundera, L'immortalité

Obstacle

Devant l'étendue et la puissance de cette nature ( cet univers) qui m'a façonné je n'ai d'autre choix que de me projeter tout entier dans l'infini ( d'être lancé comme infini), quand je dis je, je veux dire ma peau, mes muscles, mes os et mes pensées. En ceci, je retrouve le sourire.

vendredi 19 octobre 2007

Marche d'automne

Texte retiré temporairement


Publié dans la revue Estuaire no. 133 été 2008 intitulé Jardins d'ombre. En librairie.

jeudi 18 octobre 2007

Paysage de la lecture : Proust

Voici un des paysages de lecture de Proust :

Mais après le jeu obligé, j’abrégeais la fin du goûter apporté dans des paniers et distribué aux enfants au bord de la rivière, sur l’herbe où le livre avait été posé avec défense de le prendre encore. Un peu plus loin, dans certains fonds assez incultes et assez mystérieux du parc, la rivière cessait d’être une eau rectiligne et artificielle, couverte de cygnes et bordée d’allées où souriaient des statues, et, par moments sautelante de carpes, se précipitait, passait à une allure rapide la clôture du parc, devenait une rivière dans le sens géographique du mot – une rivière qui devait avoir un nom, – et ne tardait pas à s’épandre (la même vraiment qu’entre les statues et sous les cygnes ?) entre des herbages où dormaient des boeufs et dont elle noyait les boutons d’or, sortes de prairies rendues par elle assez marécageuses et qui, tenant d’un côté au village par des tours informes, restes, disait-on, du moyen âge, joignaient de l’autre, par des chemins montants d’églantiers et d’aubépines, la « nature » qui s’étendait à l’infini, des villages qui avaient d’autres noms, l’inconnu. Je laissais les autres finir de goûter dans le bas du parc, au bord des cygnes, et je montais en courant dans le labyrinthe jusqu’à telle charmille où je m’asseyais, introuvable, adossé aux noisetiers taillés, apercevant le plant d’asperges, les bordures de fraisiers, le bassin où, certains jours, les chevaux faisaient monter l’eau en tournant, la porte blanche qui était la « fin du parc » en haut, et au-delà, les champs de bleuets et de coquelicots. Dans cette charmille, le silence était profond, le risque d’être découvert presque nul, la sécurité rendue plus douce par les cris éloignés qui, d’en bas, m’appelaient en vain, quelquefois même se rapprochaient, montaient les premiers talus, cherchant partout, puis s’en retournaient, n’ayant pas trouvé ; alors plus aucun bruit ; seul de temps en temps le son d’or des cloches qui au loin, par delà les plaines, semblait tinter derrière le ciel bleu, aurait pu m’avertir de l’heure qui passait ; mais, surpris par sa douceur et troublé par le silence plus profond, vidé des derniers sons, qui le suivait, je n’étais jamais sûr du nombre des coups. Ce n’était pas les cloches tonnantes qu’on entendait en rentrant dans le village – quand on approchait de l’église qui, de près, avait repris sa taille haute et raide, dressant sur le bleu du soir son capuchon d’ardoise ponctué de corbeaux – faire voler le son en éclats sur la place « pour les biens de la terre ». Elles n’arrivaient au bout du parc que faibles et douces et ne s’adressant pas à moi, mais à toute la campagne, à tous les villages, aux paysans isolés dans leur champ, elles ne me forçaient nullement à lever la tête, elles passaient près de moi, portant l’heure aux pays lointains, sans me voir, sans me connaître et sans me déranger.

Sur la lecture, Marcel Proust

samedi 6 octobre 2007

Aster

Asters de fin d'été, le long des sentiers ou des routes, blanches ou bleu-mauves, étoiles de la fin des longs jours, du froid revenu dans la nuit et dans nos os, alors que nous nous réfugions à la brunante dans nos maisonx abandonnant les veilles sur les balcons ou les vérandas. Fleurs d'asters cordifoliés, qui pourraient être cueillis par nos mains afin de resplendir dans la pénombre, sur la table, au bout de leur tige portant des feuilles en forme de coeur, au bout du jour, avant la nuit, avant la fin de l'été.

Aster cordifolié, premier aster d'Amérique découvert, puis amené en France pour y fleurir dans les jardins d'Europe. Ici, méconnu, inutilisé, poussant le long des maisons, mauvaise herbe pour la plupart, fleur simple, tenace et nécessaire de la fin de cet été magnifique où j'ai parcouru tant de sentiers où je la voyais poindre entre les verges d'or, des rudbeckies et des eupatoires. Fleur frêle et presque douce, étoile de la fin de l'été.

Herbier Matawin

Un organisme en Matawinie, Le Groupe Territoire Culturel, fait la jonction en art et nature. Il soutient la crétion d'un art forestier par son initiative du Centre de recherche et d'expérimentation des arts forestiers. Il a produit un herbier numérique de la Matawinie que l'on peut consulter à l'adresse web : http://www.territoire.org/FRANCAIS/CREAF/HERBIER/intro.html.