mercredi 6 octobre 2010

Quelques questions au Bape

Questions au BAPE par un simple citoyen

Chers membres de la commission du Bape chargé d'étudier les impacts environnementaux des gaz de schiste, je vous fais part publiquement de quelques-unes de mes interrogations.

— Comment le BAPE entend-il spécifier les impacts environnementaux de l'exploitation des gaz de schiste en quatre mois alors que l'EPA américaine (Environnement Protection Agency) qui a débuté ses travaux au printemps 2010 ne remettra son rapport sur le même sujet qu'en 2012? Le BAPE dispose-t-il de plus de moyens que l'EPA?

— Le BAPE entend-il étudier sur le terrain les multiples problèmes qu'a causés l'industrie des gaz de schiste en Alberta, en Pennsylvanie et ailleurs aux États-Unis? Entend-elle se rendre sur place pour entendre les citoyens touchés par ces problèmes?

— Le BAPE entend-il poser les différences de situation entre la Colombie-Britannique où l'exploitation des gaz de schistes se fait dans des forêts inhabitées du nord-est de cette province et dans le Québec où elle se ferait en grande partie dans la plaine fertile du St-Laurent, où se trouvent les meilleurs et les plus nombreuses terres agricoles du Québec?

— Le BAPE entend-il mener à lui seul des études géologiques sur la fissuration des sols à long terme suites aux multiples explosions contrôlées (stimulations) par l'éjection sous pression d'eau et de différents composés. Alors que ces études n'existent pas pour le Québec et qu'elles sont rares en général, entend-il être capable de les commander, de les étudier et de les commenter en quatre mois seulement?

— Dans le rapport présenté aux autorités de New York,i on faisait état de fractures latérales entre les couches géologiques découvertes lors de creusage de tunnel d'acheminement de l'eau ou de tunnels, et ce, partout aux États-Unis. Il a été prouvé que les fluides sous-terrains traversent ces fractures. Comment le Bape pourra-t-il garantir que les tonnes de produits chimiques laissées dans les poches d'exploitation de gaz après les multiples fracturations des puits ne migreront pas à long terme vers les nappes aquifères, spoliant l'eau de consommation et de culture, et ultimement les aliments issus de ces cultures? Étant donné que de telles études sur la fissuration et la migration des gaz et de l'eau après fracturation sont très rares, le principe de précaution n'impliquerait-il pas un arrêt immédiat des forages d'exploration?

— Étant donné que les produits de fracturation varient pour chaque forage, le BAPE exigera-t-il la composition réelle et exacte des produits ajoutés lors de chaque forage déjà réalisé au Québec ou à réaliser, y compris les produits qui sont protégés par brevets?

— Le BAPE entend-il étudier la cohérence de la position gouvernementale favorisant l'exploitation des gaz de schiste en regard avec sa politique de développement durable? Quantifiera-t-il l'impact économique de toutes les altérations à l'environnement afin de pouvoir les imputer aux gazières, et ce à long terme?

— Dans un rapport produit pour les autorités de New York, on estimait qu'étant donné la quantité en tonnes émises de produits de fracturation annuellement dans les cours d'eau entourant la ville de New York, il existait un risque réel de contamination de l'eau potable à court et à moyen terme. Pourquoi en serait-il autrement dans les bassins versants du Richelieu, par exemple?

— Dans le même rapport on décrivait ainsi les impacts globaux pour 6000 puits forés et refracturés aux 5 ans : 4,000,000 de tonnes de fluides de fracturation, 27,000,000 de tonnes de résidus liquides éjectés après fracturation, 230 à 340 tonnes de fluides de fracturation par jour à recycler et à éliminer, et 7,200,000 voyages de camion pour transporter tous ces liquides. Le Bape pourra-t-il fournir en quatre mois des chiffres précis sur les volumes estimés pour chaque région et pour l'ensemble des basses terres du St-Laurent?

— Une étude du qui avait analysé les fluides de fracturation utilisés aux États-Unis estimait qu'une bonne partie de ceux-ci pouvaient provoquer des maladies comme le cancer, des maladies du système nerveux et du système de reproduction. Comment et pourquoi le Bape pourrait-il disposer d'études à long terme pour le Québec alors que l'exploitation n'est pas encore commencée? Sur quelles études le Bape s'appuiera-t-il pour répondre à cette question? Et quelles sont les garanties que le Bape donnera qu'à long terme la santé des populations habitant sur les terres exploitées ne sera pas affectée ainsi que celle de tous les habitants des régions dont l'approvisionnement d'eau dépend des bassins versants de ces régions?

— Le Bape garantira-t-elle aux agriculteurs et aux habitants des régions visées un approvisionnement d'eau suffisant, étant donné les millions de tonnes d'eau nécessaires à la fracturation de chaque puits, plusieurs fois durant leur durée de vie,pour des milliers de puits, et ce, dans un contexte de réchauffement climatique?

—Le BAPE se penchera-t-il sur l'application de la loi des mines dans un espace agricole et la modifiaciton nécessaire de celle-ci?

— D'après vous, existe-t-il d'autres états où l'exploitation des gaz de schiste s'est faite sur la principale région dédiée à l'agriculture de cet état? Quelles en seront les conséquences pour l'ensemble du Québec? Le calcul de risque de spoliation de l'eau et de l'air, les modifications de l'habitat ne doivent-elles pas être calculées globalement, en fonction de l'impact possible sur l'ensemble du Québec et non par régions?

— Le BAPE garantira-t-il à long terme à la population locale et agricole que leurs terres et leurs biens ne seront pas dévalués par spoliation environnementale ( sur une durée de trente à soixante-dix années)?

— Quel mécanisme le Bape entend-il proposer pour compenser les habitants des régions visées en cas de catastrophe ou de dégradation de l'environnement? Et ce, à long terme, une fois que les gazières auront quitté les régions d'exploitation?

— De multiples questions se posent sur la qualité de l'air, l'utilisation de l'eau, le recyclage des fluides de fracturation, comment sans tromper la population le Bape entend-il répondre à toutes ces questions en quatre mois? Un tel exercice conduit dans de délais si courts ne risque -t-il pas de miner la réputation du Bape, autrefois considéré comme une référence en terme d'évaluation environnementale? Dans ces conditions les membres de cette commission du Bape ne devraient-ils demander immédiatement un moratoire, le temps pour eux d'accomplir une véritable étude sur tous les impacts de l'exploitation des gaz de schistes?

— Enfin, est-ce que les commissaires accepteraient que dans leur cour s'érige un puits de forage et que des représentants de compagnies minières les menacent d'expropriation en cas de découverte de gisement?

— Suis-je un environnementaliste ou quelqu'un qui s'inquiète à juste titre des conséquences d'une activité minière intensive sur les meilleurs sols agricoles du Québec pour l'exploitation d'une énergie intermédiaire non renouvelable?

Claude Paré, le 3 octobre 2010

samedi 2 octobre 2010

La stratégie de la petite salle

Le 28 septembre, j'étais là hier au milieu de ces gens de St-Hyacinthe en danger se faire voler leur territoire, leur passé et leur futur, leur vie construite dans un milieu prêt à être saccagé. Ceux qui les agressent sur leurs terres, par une stratégie habilement élaborée, ont réussi à se faire passer pour les agressés. Les médias ont encore une fois insisté sur la figure de Cailllé, vaillant capitaine luttant au sein d'une assemblée houleuse...
Je me suis tout d'abord approché de la grande salle. J'y ai entendu clairement la brillante question de Christian Vanasse. Dans le corridor se tenait le journaliste de Radio-Canada et la journaliste de TVA qui allait et venait. Dans la salle, en plein désespoir, ils étaient là les groupes « organisés ». La grande majorité des mains claquaient aux longs préambules de citoyens de la région qui étaient autant de questions sur l'éthique, l'intégrité, le respect du citoyen et de l'environnement. Le lendemain c'est de ce bruit dans l'information « pure » dont a parlé André Caillé dans les médias. Notre figure de proue faisait face à un Benoit Dutrisac ou à un autre journaliste sous-informé, incapable de lui demander pourquoi il appelait « groupes organisés » de simples citoyens qui spontanément avaient formé des associations pour réagir aux agissements inquiétants des compagnies. Les firmes de communication qui conseillent les industriels, où travaillent des membres de la famille libérale, n'ont pas compris que les citoyens des campagnes peuvent, de nos jours, s'informer rapidement sur une situation et qu'ils ne sont pas de simples paysans. Et ce, au même moment où les médias ne semblent pas disposer de recherchistes pour transmettre à leurs animateurs le contenu de véritables questions. Sans être journaliste ni enquêteur, il ne m'a pas fallu longtemps, en longeant les corridors, en questionnant quelques « locaux » pour apprendre que des compagnies à la transparence de cristal les menaçaient d'expropriation, qu'ils agissaient de façon vraiment cavalière.
Hier soir, l'industrie était là pour faire sa promotion. Les journalistes, les médias (on dirait d'information) ont gobé la stratégie de l'industrie. Ils ont qualifié de soirée d'information un pitch de vente qui voulait démontrer que l'industrie est transparente, que ses méthodes sont au point et presque sans risques. Mais cette noble mission de transparence est entravée par des opposants, toujours les mêmes, de fortes gueules qu'il faudra mâter. À la même émission de Dutrisac ou à l'émission de Maisonneuve on oubliera de faire préciser à André Caillé que les opposants ne sont pas nécessairement opposés à l'exploitation, mais qu'ils demandent avant tout un moratoire.
À un moment donné de la soirée, j'ai vu une porte s'ouvrir plusieurs fois. Je ne comprenais pas qu'une autre réunion puisse se tenir dans une atmosphère aussi éprouvante. On n’entrait pas facilement dans la petite salle. Il y avait une serrure, mais quand quelqu'on sortait on pouvait y pénétrer. La petite salle n'était pas tellement pleine, mais plus calme. Les questions étaient aussi inquiètes, mais moins politiques et les réponses se voulaient une démonstration de la maîtrise technique de l'industrie. Une seule fois un panéliste a exprimé l'opinion que l'acceptabilité de ce genre de projet dépendant des préoccupations de la population! Stratégie gagnante? Par la stratégie de la petite salle, pour les capitaines d'industrie, il fallait faire la démonstration que les vrais citoyens peuvent entendre les réponses de l' industrie et que ce sont les groupes organisés qui empêchent le dialogue. C'est pourquoi prétextant une atteinte à sa sécurité, André Caillé s'est esquivé de la grande salle au début de la soirée. Le lendemain, il témoignera en toute candeur du calme propre à la communication qui s'empare des petits cénacles bien contrôlés. Si on se demandait pourquoi l'industrie avait eu la générosité d'ajouter deux cents places assises dans la grande salle, c'était tout simplement pour pouvoir affirmer aux médias qu'il y avait un dialogue possible dans les petites salles. Et que des opposants étaient potentiellement violents. Que le désir de transparence de l'industrie était définitivement compromis par ces écologistes qui ne veulent rien savoir. À quelques jours de là, un de nos grands politicologues avait exprimé l'opinion que les écologistes étaient les nouveaux curés d'une nouvelle religion. Les curés et les membres de leurs sectes étaient là, officiant la messe barbare de l'anticapitalisme. À Radio-Canada ce soir-là, le journaliste a bien parlé d'une assemblée formée de citoyens, mais n'a pu, au contraire desjournalistes de l'écrit, faire entendre leurs questions, seulement des hurlements « émotifs ». Ils hurlaient bien sûr, pas tous aussi magnifiquement que Vaillancourt, cependant.
La stratégie de communication des gazières passait par la petite salle. L'expérience dite de la « petite salle » vise à démonter que l'industrie cherche à tout prix à communiquer et qu'elle est empêchée par les mauvais garçons organisés. Oui, l'atmosphère était à couper le souffle dans la grande salle en partie parce que les médias sont incapables de relayer les questions des citoyens et que probablement ils n'ont pas les moyens, les pauvres ( le lendemain on diffusait à Désautels un bon petit reportage sur la hauteur du filet à balles d'un terrain de golf qui empiète sur la zone verte - que de courage pour cette société d'État que l'on qualifie à l'extérieur de Montréal de Montréalocentriste – il est vrai que St-Hyacinthe, ce n'est pas à Montréal) d'aller sur place pour montrer et nommer la réalité. Pourtant, au coeur de ce gâchis «médiatique?» il y a un plan de communication qui semble partagé par un gourvernement en mal de légitimité et de gouvernance. Notre vaillant capitaine ( Le Devoir surtitrait : Gaz de schiste : Dernière épreuve pour André Caillé) l'a lui-même exprimé : une fois la phase principale d'information où l'industrie démontre qu'elle n'agit pas en catimini, le miniBape ( ou pseudoBape) prendra le relais. Pendant ce temps, l'industrie fera des réunions dans de petites salles. Elle ciblera probablement des agriculteurs ou des gens susceptibles par manque de moyens financiers ou par simple appât du gain de leur louer leurs terrains. Les annonces seront locales, les médias « nationaux » qui ont déjà de la difficulté à exposer les problèmes de ceux qui affrontent l'industrie ne s'y intéresseront pas justement parce qu'il y aura peu de chahut. L'industrie n'a pas besoin du support de toute la population, seulement de quelques citoyens et de quelques élus. Les opposants ont été identifiés, on pourra les laisser poiroter à l'extérieur. Ils agiteront des pancartes, cela fera peut-être des reportages ou simplement des images. Bien sûr on les reverra au Bape tous ces gueulards, on parlera d'un débat technique, puisque la raison, le calme est du côté de l'industrie. Celui-ci, heureusement pour l'industrie, sera bref et contrôlé. Les médias nous présenteront le pour et le contre. On fera quelques petits exercices de démocratie confrontative de trois minutes debout au téléjournal de 18 heures à Radio-Canada. Certains commentateurs iront de leurs propos démagogiques - devinez lesquels –, je crois qu'il s'agit d'un groupe de presse très proche de Radio-Canada - sur le manque de compréhension de l'entrepreneurhip des Québécois. On reviendra sur la question de l'omniprésence sacerdotale des écolos à l'eau bénite ou madame Bombardier nous invectivera d'une autre de nos dérives post-relgieuses prolongeant sans le savoir notre indécrottable et noirci inconscient duplessiste et en fin de compte misogyne. Dans toute cette histoire, il faudra que les médias sortent de leur train train quotidien de comptes rendus des actions des corporations et des gouvernements. Qu'ils relaient la parole des citoyens si on ne veut pas que ça aille vraiment mal. Comme le gouvernement est incapable d'entendre la parole de ceux qu'il est censé diriger dans les méandres de ses «Grands Projets », il faudra que les médias analysent la stratégie de désinformation de l'industrie. Et aux animateurs qui ne savent pas quelles questions poser en voici quelques-unes :
— Le gouvernement a donné au Bap un mandat de quatre mois pour étudier la question des gaz de schiste, aux États-Unis la EPA a commencé ses travaux sur la même question au printemps de cette année et compte remettre son rapport en 2012. Comment le Bape pourra-telle accomplir en quatre mois ce que l'EPA pourra difficilement accomplir en 2 ans?
—Le gouvernement de New York a demandé un moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste, si un gouvernement d'un état américain fortement capitaliste est capable de demander un tel moratoire pourquoi l'état québécois ne le pourrait-il pas?
— Un moratoire a été promulgué dans l'estuaire du St-Laurent suite à de longues analyses environnementales. Pourquoi la vallée du st Laurent, berceau de la colonisation du Québec et du Canada, milieu complexe où ont lieu de multiples activités humaines, ne demanderait-il pas que l'on prenne le temps d'évaluer l'impact d'une industrie dont on ne connait pas encore tous les tenants et aboutissants?
Pour un animateur de Radio-Canada : —Dans un reportage d'une de nos émissions un expert géologue a affirmé qu'il n'existait pas d'études à long terme sur les risques de fissuration des strates rocheuses provoquée par l'exploitation des gaz de schiste, comme le Bape entend-il les produire en quatre mois, et ce, sans se rendre aux États-Unis?
Etc...


Claude Paré, le 1er octobre 2010 à Montréal

jeudi 18 février 2010

De l'art et et de la culture, anti-manifeste?

«Or la culture d'un peuple, ce sont ses productions artistiques»
Adonis

Le débat sur le multiculturalisme et l'interculturalisme doit nous amener à un débat fondamental sur la culture. Qu'est-ce que la culture? Comment se produit-elle? Existe-t-il dans nos sociétés un dialogue de communautés culturelles qui serait le moteur de la création culturelle au Canada ou au Québec?

Le fondement de la culture, comme en témoigne Adonis, poète Arabe contemporain, ne peut-être la culture elle-même, mais ce qui en forme le contenu, soit l'art et l'expression artistique. Les oeuvres produites par les créateurs d'une société, une fois acceptées, commentées et fréquentées par ses citoyens et ses institutions forment la culture de cette société. Dans les sociétés modernes, l'oeuvre d'art est créée par un individu ou un groupe restreint d'individus.
En créant une oeuvre, l'artiste propose un langage individuel pour décrire une expérience singulière qui sera la plupart du temps communiquée dans le langage commun, mais qui peut aussi être énoncée dans un langage qui peut paraître incompréhensible. Par la création artistique, un individu inscrit ses pulsions, ses mouvements, ses errances et sa pensée unique dans le temps et l'espace. Il propose à la société de nouvelles formes et de nouvelles attitudes. Il s'extrait des a priori de sa culture d'origine pour donner une nouvelle vision du monde, et donc de sa société. Il va au-delà de cette culture dans lequel il est plongé et la transforme. L'art n'est pas reflet du monde, mais transformation du monde. La société se chargera ou non, par le regard de chacune des personnes qui fréquenteront l'oeuvre artistique et à travers les institutions sociales qui la commenteront, de faire en sorte que cette expérience soit accessible, connue et partagée par un plus grand nombre, un élément de la culture commune.

Cette vision de l'art et de la culture s'oppose au multiculturalisme d'état qui édicte que la culture s'édifie à partir du dialogue culturel des groupes définis par leur ethnie et/ou leur religion. Ce dialogue des communautés culturelles produirait de la culture, et nommément la culture canadienne. Selon le point de vue exprimé ici, l'art est le produit de l'individu qui se détache des acquis de sa culture d'origine, quels qu'ils soient, pour les réinventer et les remodeler. L'art implique nécessairement que l'on interroge sa culture d'origine et ses valeurs et de ce fait, l'art n'est pas l'expression d'une communauté. Il y a bien dans les cultures modernes une « tradition », mais elle peut être transgressée ou dépassée, elle n'est pas considérée comme une vérité absolue. Ce n'est pas le groupe ou la société qui parle à travers l'individu, c'est l'individu qui traverse la société et énonce sa différence. Le constant rappel à l'origine ethnique promu par le multiculturalisme ne désigne pas l'individu comme moteur de l'expression artistique qui tend à l'universalité de l'expression de la condition humaine.

Cependant, les créateurs vivent bien dans des sociétés réelles et sont ou non considérés comme des artistes, des créateurs de culture d'une société donnée. La société québécoise a réussi à créer un espace de liberté favorable à la création artistique par une lutte contre l'emprise du clergé qui a pris le nom de Refus global. Elle a su imposer comme langue de création la langue de ceux qui en sont les acteurs majoritaires, soit les parlants français, sans que la création dans la langue anglaise, devenue minoritaire sur son territoire, en soit brimée. Dans cet espace de liberté, des créateurs qui n'étaient pas issus du Québec ou du Canada ont produit des oeuvres de grande qualité. Au Québec, beaucoup d'immigrants choisissent le français comme langue de culture et de vie, certains deviennent des artistes. Ils inscrivent leur oeuvre dans cet espace, sans que ce choix ne soit nécessairement exclusif. La culture au Québec, par ce constant apport de voix nouvelles et leur réception, est en constante évolution. Au Québec, on peut dire que la culture qui en est issue des pratiques artistique est «consommée» et partagée par un grand nombre de personnes.

Pour l'idéologie multiculturaliste (1), la culture québécoise a le même sens et la même valeur que celles des communautés culturelles qui composent la société et qui reflètent les diverses cultures d'origine de ses migrants1. Pourtant, personne n'oserait dire que la culture canadienne-anglaise est un modèle en miniature de la culture anglaise. Pour le multiculturalisme, la culture est toujours la culture du groupe ethnique d'origine, l'expression de ses particularités communautaires et la culture canadienne est le résultat d'un dialogue de ces cultures particulières. Or la conception contemporaine de la culture n'est pas caractérisée par la répétition des attitudes ou des contenus culturels d'origine, mais par le dépassement et la progression des contenus et des formes culturelles par la création artistique individuelle. La société québécoise a adhéré à cette conception de la culture et est devenue un espace vivant de création qui ne tend pas vers une expression ethnique de contenus, mais vers l'expression de valeurs universelles. De plus, dans une culture où les pulsions individuelles sont exprimées librement, les regroupements culturels ne se font plus à partir de valeurs ethniques, mais par rapport aux goûts, aux modes, aux comportements. Dans ces conditions, la notion de communauté culturelle englobe la multiplicité des comportements culturels et des pratiques artistiques. Le pluralisme n'est plus défini à partir de l'ethnicité, mais par rapport à la diversité des pratiques artistiques, des voix créatrices, des manifestations culturelles. La force culturelle et la diversité culturelle d'une société ne peut être mesurée par le nombre des communautés ethniques qui la composent, mais par la diversité des pratiques artistiques, le nombre des créateurs qu'elle abrite et la force de leurs oeuvres, incluant évidemment, celles de ses nouveaux arrivants, qui exposent ou non leur traversée de la société d'acceuil. Les migrants qui quittent leur pays recherchent dans leur pays d'acceuil à vivre dans cette autre culture qui émerge graduellement de l'ensemble des pratiques artistiques. Leur rappeler constamment leur culture d'origine ne comble par leur désir de vivre autrement.

Au Québec tous ceux qui interagissent avec les créations artistiques ont réussi à créer une culture vivante à prédominance francophone. Cet espace de création est en état de déséquilibre constant parce que le statut de la langue française au Québec et au Canada n'est pas fixé, que son cadre juridique est continuellement remis en cause et que bon nombre de migrants québécois choisissent une autre langue de culture que le français. Dans les autres provinces canadiennes, une forte proportion des parlants français, déjà bien intégrés à la société canadienne, ont été assimilés et ont perdu leur langue et leur culture en faveur de la culture d'expression anglaise (2). Pourtant, la politique du multiculturalisme et du bilinguisme d'état visait aussi la sauvegarde de ces «communautés culturelles ». Du point de vue même de l'idéologie multiculturaliste, qui dit favoriser l'intégration et qui bannit l'assimilation, cette politique est un échec cuisant (3). Le choix du français comme langue de culture et de vie au Québec est une question qui se pose constamment au créateur et à celui qui s'établit au Québec. Il comporte un risque, mais il offre au créateur et à l'immigrant la possibilité de participer à la création et la transformation d'une culture qui a réussi à intégrer des voix plurielles et qui peut prétendre à une large diffusion parmi les groupes humains, non pas comme culture d'une ethnie, mais comme celle d'une société ouverte qui veut offrir à ses citoyens toutes les chances de dépasser leur condition d'origine. En ce sens, le manifeste sur le pluralisme (4) , qui définit le pluralisme culturel comme un multiculturalisme d'expression des groupes ethnoreligieux n'est pas en accord avec la définition de la culture exprimée ici qui se veut un dépassement et une transformation de la culture d'origine par l'expression individuelle qui conduit à la création d'une pluralité de pratiques et de voix, de comportements et d'attitudes, librement énoncées.

Un autre problème se pose à la société québécoise, non pas frontalement, mais de bais, comme elle se pose à toutes les sociétés occidentales modernes, soit la montée de l'intégrisme et de l'Islamisme. Ces deux mouvements tendent à contrer la liberté d'expression de l'individu et à l'enfermer dans les dogmes d'une culture religieuse contraignante. Cependant, ces mouvements ne sont pas le seul fait des nouveaux arrivants, mais aussi de convertis. C'est pourquoi il faut détacher la lutte contre l'intégrisme et l'Islamisme de la question de l'immigration. Ces deux phénomènes doivent être combattus comme des mouvements politiques globaux qui ne sont pas liés à des populations en particulier. Ce sont des mouvements idéologiques dont il faut à tout prix minimiser la portée pour conserver cet espace de liberté qui permet l'émergence de l'art, une culture ouverte sur le monde comme la culture québécoise, qui se renouvelle constamment grâce à l'apport de ses artistes. Faut-il rappeler la citation de Gabrielle Roy qui orne le billet de vingt dollard canadien?

(1) «As part of a nation-building strategy to create a common Canadian identity that embraced everyone—including Québécois—Weinstock said multiculturalism was really a political tool to diffuse political expression from all cultures. Multiculturalism said Québécois were different, but so is everyone else, and by giving up distinctness all cultures in fact gained a much larger stage and greater resources on which to affirm their own identities.
http://culturecanada.gc.ca/keyrefsearch.cfm?query=multicultural&pr=CHRWALK&prox=page&rorder=500&rprox=500&rdfreq=500&rwfreq=500&rlead=500&sufs=0&order=r&mode=Advanced&cq=&lang=fre&cmd=context&id=47b9cad520
(2) « Le pluralisme est taxé de relativisme, de multiculturalisme trudeauiste, de «chartisme», d'antinationalisme, d'élitisme, etc. Mais loin de tous ces «ismes», la position pluraliste considère que les membres des minorités ne doivent pas être victimes de discrimination ni d'exclusion sur la base de leur différence, et l'intégration des immigrants à la société québécoise ne doit pas exiger une assimilation pure et simple. » Manifeste pour un Québec pluraliste

(3) Dans le modèle multiculturel, les minorités francophones ne croissent pas, puisqu'elles n'intègrent pas les nouveaux immigrants, par contre les minorités ethniques issues de l'immigration récente augmentent en nombre. Au Canada Anglais, quoi qu’on en dise, les migrants parlent ou parleront la langue anglaise et consommeront les oeuvres artistiques de langue anglaise produites au Canada ou aux États-Unis. Au Québec, la proportion des migrants qui adoptent la langue de la majorité francophone est d'environ 50%.

(4) « Le gouvernement de Stephen Harper s’interroge sur la pertinence de remplacer progressivement le vocable “multiculturalisme” par “pluralisme” dans le vocabulaire fédéral » (Blog de Chantale Hébert)
Claude Paré, artiste

lundi 21 septembre 2009

La pyramide

Vers un nouveau paradigme de circulation routière ?

J'ai longtemps fait l'aller-retour boulot dodo en automobile, depuis peu je fais les cinquante kilomètres de mon trajet quotidien en bicyclette, cinq fois par jour. Le vélo est devenu mon véhicule de transport urbain principal. La plupart des gens font du vélo, beaucoup l'utilisent pour faire des balades ou des excursions, mais qu'en est-il de la bicyclette comme véhicule? J'avais utilisé la bicyclette pendant de nombreuses années comme moyen de transport, puis j'ai conduit une automobile. Pendant toutes ces années de conduite automobile, je ne me suis jamais senti agressé par un cycliste, ni mis en danger par la conduite d'un de ceux-ci. Parfois, ils se mettent eux-mêmes en danger, mais en aucun cas, on n'entendra la nouvelle suivante : un automobiliste meurt frappé par un cycliste. Le contraire est toutefois la règle, des véhicules automobiles heurtent mortellement des cyclistes. Et j'ai vu maintes fois des automobilistes faire des manoeuvres très dangereuses pour les autres automobilistes et les cyclistes. Conduire une bicyclette dans la circulation automobile urbaine est une activité dangereuse, c'est ce que j'ai constaté en utilisant ma bicyclette comme véhicule, de retour dans les rues de Montréal, après plusieurs années d'absence.
On se rend vite compte, à circuler dans les rues d'une grande ville comme Montréal à vélo, que celui-ci n'est pas considéré comme un véhicule. Aucun espace véritable de circulation ne lui est alloué, si ce n'est la bande d'un mètre ou moins entre la ligne blanche et la rangée de véhicules stationnés. J'ai constaté, en circulant de nouveau dans cet espace, qu'il était devenu encore plus dangereux qu'autrefois à cause des nids de poules qu'il faut contourner, en plus des portières automobiles qu'il faut éviter et des automobiles qui vous frôlent. Le cycliste doit être constamment aux aguets dans nos rues, car sa vie est en danger, en particulier au printemps quand les automobilistes n'ont pas encore compris que la route n'est pas leur propriété exclusive.
Le cycliste, s'il veut sauver sa peau, doit se tenir à bonne distance des automobiles stationnées, à au moins un mètre s'il circule à vitesse moyenne et à plus d'un mètre, s'il augmente sa vitesse. De ce fait, il empiète, et il se doit de la faire pour sa propre sécurité, sur la voie de circulation que l'on considère comme étant dédié aux automobiles, mais qui est en fait dédié à la circulation des véhicules. Et on peut se demander pourquoi donc le cycliste qui va à trente kilomètres à l'heure dans une ville où l'on s'apprête à limiter la circulation des véhicules motorisés à quarante kilomètres ne pourrait pas prendre toute une voie de circulation pour se transporter d'un endroit à l'autre. N'est-il pas une personne qui circule tout autant que l'automobiliste seul dans son automobile en route vers Laval ou l'ouest de la Ville?
Constamment aux aguets, alerte, écoutant les bruits de circulation, évitant nids de poules et portières, le cycliste ne circule pas dans la ville comme un automobiliste. Il n'a aucune protection, son véhicule est mu par l'énergie humaine et le plus grand de ses efforts consiste à vaincre l'inertie de son poids et de son véhicule. L'automobiliste n'a pas ce problème, non seulement il est protégé, mais en plus il n'a qu'a poser le pied sur une pédale pour accélérer. Le cycliste voudra économiser son énergie en réduisant ces moments où il doit vaincre son inertie, d'où sa tendance à brûler les feux rouges. Quand il le fait, contrairement à l'automobiliste ( et ils sont légions) il ne met pas la vie des autres en danger, mais il risque uniquement la sienne, et il faut bien le dire, il en a l'habitude!
Le cycliste est plus haut que l'automobiliste et il peut voir facilement à 360 degrés. À une intersection, le cycliste jugera plus facilement et plus rapidement que l'automobiliste de la situation. S'il n'y a ni piétons, ni automobiles devant lui, il ralentira puis continuera. S'il constate qu'il y a un fort trafic, il s'arrêtera et avancera lorsqu'il sera certain de ne pas se faire heurter par une automobile ( il n'est pas fou) ou de heurter un piéton. La plupart des cyclistes agissent ainsi; et c'est tout simplement leur mode de transport qui les y incite. Comme automobiliste, j'ai été très rarement dérangé par un tel comportement. Les feux de circulation ont été mis en place pour régir la circulation des très dangereuses automobiles qui vont très rapidement et qui peuvent tuer d'autres conducteurs, des cyclistes ou des piétons. Pour ce qui est de la bicyclette, c'est un véhicule mu par l'énergie humaine qui commande un autre type de régulation de la circulation. De même que dans les villes du Québec on a admis que le tournant à droite des automobiles au feu rouge n'était pas dangereux (ce qui est plus ou moins vrai) il faudrait admettre qu'un passage du feu rouge par un cycliste après arrêt n'est pas non plus dangereux et il devrait être autorisée en plus d'une série d'autres modifications des règles de la circulation des véhicules.
Comme véhicule, la bicyclette n'est pas polluante, elle prend peu de place et a une empreinte écologique très faible. En ce sens, la circulation des bicyclettes dans une ville qui se veut à la fois écologique et d'avant garde devrait être favorisée au maximum. C'est un peu ce qui a été fait avec la mise ne place des Bixis à Montréal et il faut féliciter l'administration municipale pour cette initiative. En fait, l'utilisation de la bicyclette comme moyen de transport devrait être récompensée. En lieu et place, dans la plupart des cas, le cycliste n'a presque aucun espace qui lui dédié et quand on trace ou aménage des voies cyclables elles sont trop étroites et ont une capacité insuffisante. Le cycliste risque sa vie et sa santé en circulant sur des routes trouées, selon un mode circulatoire où il n'a pas comme tel de droits et selon une signalisation qui est faite principalement pour les automobilistes. En ce sens, il partage les mêmes problèmes que les piétons. Ceux-ci forment nécessairement, dans tous les cas, la majorité des personnes qui circulent, puisqu’automobilistes et cyclistes descendent de leur véhicule. Les piétons une empreinte écologique plus faible encore que les cyclistes, et on devrait doublement récompenser ceux qui utilisent le transport en commun. Au contraire, on les entasse dans des autobus ou des wagons de métro non et pleins à ras bord. Telle est la dure loi de la circulation urbaine et du développement!? Et je ne vous parlerai pas de mes jours comme utilisateur du transport en commun! Nous avons choisi un mode de développement qui favorise l'étalement urbain soit, mais ce n'est pas une raison pour un jour renverser la vapeur. Il faut considérer la circulation urbaine à partir de la pyramide de la véritable circulation des personnes, en commençant par les plus nombreux et des plus agiles, les piétons, pour aller vers des utilisateurs ou les véhicules moins polluants comme les bicyclettes ou les autobus et terminer par les véhicules les plus polluants et encombrants.


La pyramide de la circulation

Cette pyramide de circulation dont la base est la circulation piétonnière accorde une priorité absolue au piéton sur les autres personnes qui circulent sur la voie urbaine. S'il le juge possible, le piéton doit pouvoir traverser une voie de circulation, et alors tous les véhicules doivent lui céder le passage, et ce, dans les villes et les banlieues, surtout dans les banlieues à vrai dire où la circulation automobile est plus rare que dans les quartiers plus denses d'une ville centrale! Et malgré que l'on dise que les banlieues sont un endroit idéal pour élever des enfants, ce n'est surement pas ce qui arrive, n'est-ce pas!?
Les autobus devraient toujours avoir priorité sur les automobiles, bénéficier d'un système de circulation qui leur donne le droit de passage dès qu'ils veulent franchir une intersection. Pour ce qui est des cyclistes, dans les rues principales, s'ils sont en groupe, on devrait leur permettre d'utiliser une voie complète de circulation. Dans toutes les rues secondaires à sens unique, ils devraient avoir priorité sur les automobiles. Dans les rues secondaires à doubles voies, on devrait déterminer que certaines sont des voies de circulation prioritaire pour les cyclistes. On pourrait construire ainsi un réseau de circulation secondaire pour les vélos qui pourrait se rabattre sur un réseau de voies de circulation principales à larges bandes. De plus, dans les villes où le vélo occupe une place importante, tout en donnant la priorité absolue aux piétons, des amendements aux règles de signalisation devraient être adoptées pour favoriser la circulation de ces véhicules hautement non polluants et peu encombrants, soit l'exemption du stop, la transformation du feu rouge en feu jaune sur les voies secondaires et celle du feu rouge en stop sur les voies de circulation principales. Pour ce qui est des automobilistes, outre l'incitation à l'utilisation des transports en commun par l'augmentation des tarifs de circulation, leur usage devrait toujours êre restreint selon la hiérarchie de la pyramide circulatoire : priorité aux piétons, puis aux véhicules moins polluants comme les vélos ou les voitures électriques, droit de passage prioritaire pour tous les autobus ou les tramways. Dictature écologique!? Aucunement, en ce moment c'est le développement urbain basé sur l'expansion des banlieues, la pollution et la dilapidation des sols arables qui s'impose. Au contraire d'une atteinte aux libertés, ces mesures assureront un juste un équilibre entre circulation urbaine polluante et non polluante, entre l'usage convivial des voies de circulation et son usage lourd, par l'allocation aux véhicules non polluants des avantages qu'ils méritent du point de vue du développement durable. Qui n'est plus un luxe, qui est devenu une nécessité absolue.

jeudi 2 avril 2009

Le jour avant le lendemain

Il y a de ces oeuvres qui nous font vivre ce que nous ne soupçonnions plus. Ici, dans le film Le jour avant le lendemain, n'est-ce pas l'humanité de ces hommes et de ces femmes inuits qui, faisant face à la mort chaque jour, ont inventé les gestes, les paroles et le temps de leur vie. C'est ce qui transparait dans le magnifique film de Marie-Hélène Cousineau et de Madeline Ivalu, qui a été fait avec eux, pour eux et pour nous. Nous qui avons perdu cette expérience primordiale qui a façonné notre humanité. Quelle est-elle? Malgré la mort, malgré l'extrême difficulté de chaque pas, la joie profonde de vivre et de partager, les mots pour le dire et le rire de se savoir ensemble face à la mort. L'apprentissage des lois immuables de la survie et la fabrication de l'histoire. Le film nous montre ces gens qui rient qui parlent, qui jouent, et qui se racontent des histoires. Ils n'inventent pas seulement des histoires, ils inventent cette façon de vivre en être humain qui est de vivre ensemble le temps des histoires et des légendes.

Un geste répété plusieurs fois dans le film résume ce temps lent et circulaire de la vie des Inuits. Ce temps qui semble arrêté pendant les nuits sans fin, mais qui pourtant s'écoule. Il s'écoule comme brûle lentement la flamme de la lampe à la graisse de phoque. Une vieille femme l'éteint méthodiquement, flamme après flamme, après avoir raconté une histoire à son petit fils. C'est leur histoire qui nous est racontée. C'est aussi notre histoire parce qu'elle aura la même fin. Ce geste vient rythmer cette histoire racontée qui présente aussi les histoires légendaires d'avant le coucher comme la trame même de cette histoire de la relation d'une grande mère et d'un petit fils. S'exilant de la communauté, le temps de faire sécher les poissons et la viande dans une île, ils seront confrontés à la mort et à un autre temps, celui des étrangers.

La caméra suit avec une grande attention et une grande précision la joie, la peine ou la difficulté de chaque geste. Les visages sont sculptés par la lumière révélant leur vie. Ils s'animent, ils vivent de façon éclatante, non pas de peu, mais de tout ce qu'ils ont acquis. Ils vivent de la parole de la transmission, de leurs histoires et de leurs légendes tout autant que du poisson pris et de la viande de phoque mangée crue. Ils ont acquis lentement cette vie, ils l'ont organisé, ils l'ont partagée. Lentement, de tous ces gestes, une certaine façon d'être humain est née qui contient l'essence de l'humanité. D'autres arriveront, qui ne vivent pas comme eux. Les Inuits ne s'imaginent pas que ces étrangers ne pensent pas comme eux, c'est leur grande et seule erreur. Ils entrent dans le temps de cette autre humanité. Ils en paient le prix. Cette autre humanité a déjà oublié une partie de ce que ces hommes avaient conquis. Qu'est-ce donc? Quelque chose d'indéfinissable que le film cerne tout en le disant pas directement, qu'il nous donne à voir dans l'accompagnement de ces gestes et dans la lenteur, la précision du regard posé sur chacun des protagonistes. Ce que nous avons perdu, il est devant nous dans toute sa splendeur, il nous est donné pour que nous puissions le saisir de nouveau et ce sont eux,ces hommes et femmes de l'Articque qui nous l'offrent, avec une extrême générosité. Échange symbolique que nous devons égaler, à tout le moins. Le pouvons-nous? En sommes-nous réellement capables?

Le temps du film est circulaire. Ces deux êtres seuls, dans la longue nuit arctique, ils marchent encore en quête de leur survie. Nous entendons leur pas, nous voyons leur silhouette contre le soleil à la fois présent et absent, qui est plus une image dans un rêve qu'un astre qui peut réellement apporter lumière et chaleur. Ils continuent de marcher dans leur histoire. Ils s'arrêtent, ils dressent leur tente, ils allument la lampe, la grande mère se couche près de son petit-fils, elle lui dit qu'elle l'aime et commence à lui conter une histoire. C'est aussi l'histoire d'une grand-mère qui marche avec son petit fils, ou l'histoire d'un petit fils qui devient oiseau. Ce pourrait être l'histoire de ce qui devient homme en contant des histoires sur ce qu'il a vécu. S'il y a des histoires à raconter, c'est qu'il est arrivé quelque chose d'inouï, qui ne devait pas arriver. Mais qu'arrive-t-il quand il n'y plus personne à qui raconter une histoire. Et si nous étions cette absence à qui raconter cette histoire. Heureusement, cette histoire n'est pas seulement racontée pour nous, mais surtout pour eux qui sont encore là, malgré nous. Ils ont résisté, ils ne sont pas restés les mêmes, ils ont appris une autre dure histoire de survie. Viens le temps où ils pourront se la raconter et nous la raconter. Ce temps est tout proche. Il est arrivé.

mercredi 27 août 2008

Réveil

Me déplaçant le long du lac
A demi caché sous un nuage
Un soleil
De retour devant la montagne
En suivant la rive
Un autre soleil
Resplendissait
( )
Ce matin à mon lever
Un soleil
Explose les nuages
Avant que je ne parte sur le lac
Suivre le ruissellement des rayons
De milliers de soleils
Qui s'allument et s'éteignent
Étoiles d'eau

( Je serai noyé de lumière
Devant le soleil
Je serai tué de son feu
Qui m'emporte ailleurs
Je ne sais où
Où des milliards de soleil naissent
Avant de couler dans l'oreille qui dort
Bercée au son de l'eau)

mardi 26 août 2008

Un peu de clarté

Un peu d'ombre

Et toute la profondeur du boisé est révélée

lundi 25 août 2008

L'aile

à Gisèle Poupart



Au dessus de moi

Aile de chauve souris

Passant si rapidement

Une ombre à mes pieds

Dans l'ombre du boisé



Elle me rappelle un homme mort que j'ai aimé

À la vie plus rapide que la mienne

Qui passe encore dans mes pas

Au moment ou je m'y attends le moins

Dans la forêt dans la nuit

Ou plus loin encore

vendredi 22 août 2008

La vie de la pluie

Le tronc des arbres noir de tant d'humidité et de pluie

(Pluie de deux jours)

Les feuilles vertes attaquées de lumière

Combattent de leur transparence

(Bougeant légèrement)

De leur eau verte

Retiennent la lumière

(Un moment)

Avant d'être défaites

Immolée leur splendeur translucide

(Bientôt)

Au sol jaunies

Exténuées de vivre

(Maintenant)

Le tronc des arbres gris au vent

jeudi 10 juillet 2008

Entre montagne et eau, la lumière des fumées et l'ombre des nuées sont sans cesse changeantes. Tantôt elles apparaissent, tantôt, elles s'estompent. En plein éclat ou dissimulées. elles recèlent en leur sein le Souffle et l'Esprit. Les Anciens cherchaient par tous les moyens à en sonder le mystère : par le Pinceau-sans-Pinceau pour en capter le Souffle et par l'Encre-sans-Encre pour en saisir l'Esprit.

Pu Yen-Y'U

mercredi 9 juillet 2008

Moucherolle tchébec

Moucherolle de la volonté enlacée à l'air, qui creusait l'espace pour attraper la mouche, la libellule, le maringouin. Qui allait de cette branche d'arbre vivante à cette autre branche sèche puis à son nid pour apporter les mouches aux petits becs s'ouvrant sans fin. Qui passait sans cesse devant mes yeux, me rappelant cette volonté toujours présente en nos pensées et nos gestes, souvent superflue, parce que liée à ce qui n'est pas nécessaire ou à ce qui ne semble pas l'être, comme l'art. Cette volonté dont il faudrait si souvent départir pour se laisser porter uniquement par le vent, devenir mouvement.

Deux moucherolles alignées sur une branche, le mâle et la femelle, la femelle lisse sur la branche son bec pendant que le mâle me surveille. Je ne dois pas bouger, sa volonté contre la mienne. Je n'arrive pas à détacher mon oeil de ses mouvements de tête suivis de ses mouvements de queue. Lui, il veut aller porter la mouche à ses petits, emprunter à l'air son mouvement pour devenir air lui-même, se déplacer le plus furtivement possible, pour nourrir l'air, en retour, de cette qualité de volonté efficace qui émeut. Je tourne la tête, il passe sans que je le voie. J'entends un léger déplacement d'air.

Les jours s'allongent, les nuits raccourcissent. Les moucherolles vont et viennent. Plongeant pour attraper l'insecte d'un coup de queue simple, elles reviennent sur la branche qui se balance, en lançant un simple pépiement qui affirme : il faut être dans l'air le mouvement qui sans cesse apporte et enlève, tue et fait vivre.

Hier, elles étaient parties. Le nid était vide. Je l'ai tout de suite senti en arrivant au lac. Ils n'étaient plus là ces guetteurs admirables de nos moindres mouvements. Nous étions inquiets un instant d'une mort possible des petits, mais le nid, au coin du toit de la véranda, était intact. Ils étaient partis tout simplement.

jeudi 3 juillet 2008

Étoile du matin

Est-ce le soleil qui émet des signes?
Ces étoiles dans les vagues, quelle langue parlent-t-elles, me parlent-t-elles?
La langue du commencement ? La langue de la fin de l'étoile? De son onde qui s'éteint?


Toi qui es à côté de moi, tu peux continuer de parler.


Son langage est sur le lac, je le vois, il me parle, mais de quoi?
Quel langage est-ce, sinon une musique qui vibre des étoiles?
Une langue ondule sur le lac une nouvelle portée d'étoiles, c'est ce qui m'est dit?


Toi à côté de moi, tu peux continuer de parler ta langue humaine.

Musique d'étoiles sur le lac et le ciel brulant de cette étoile, son bleu versé sur nous, qui parlons?
N'arrêtes pas de parler, toi qui est si proche de moi, ne sais-tu pas que de toute façon ta langue chaude je la goberai?
Ne sais-tu pas que je mangerai ta langue d'étoiles soulevée par la vague qui succède à la vague, à la vague qui a fait disparaitre l'étoile sur le lac?


Toi à côté de moi, ton silence est dans ma bouche et les étoiles sont entre les vagues le cri des étoiles.


samedi 28 juin 2008

Garage sans auto

à ma voisine

Ouvrant la porte de mon garage à Montréal ( j'écris dans un garage) j'entends les chants des oiseaux. Ce matin un oiseau nouveau, dont je ne connais ni le nom ni l'allure, donne de la voix. Est-il d'une espèce plus tropicale? A-t-il les ailes bleues et la gorge verte? Est-ce un égaré? Un transfuge ? Un réfugié politique des espaces saccagés?

Un peu fatigué d'écrire, je me lève. Sortant dans la cour, j'entends un bruit dans les feuillages de mon kiwi actinida. C'est un petit oiseau-chat dans son nid de feuilles, curieux animal qui s'échappe doucement d'un bond en flottant dans l'air. Sa propriétaire lui a passé au cou un collier à clochettes, ce qui le rend inapte à la chasse. Heureusement !

Revenant dans mon garage, et m'asseyant pour écrire, j'imagine Montréal sans automobiles. Pendant de longues heures, le matin, on n'entendrait que les chants d'oiseaux et les pas des passants pressés d'aller au travail, regrettant dans le métro leur passage trop rapide sous les arbres où chats et oiseaux chassent le temps perdu.


Car en marchant nous créons une émotion qui donne vie au paysage, nous lui donnons une partie de nous-mêmes qui l'imprègne pour toujours.
Or, effectivement en écoutant les oiseaux, en aspirant les odeurs des bleuets en fleurs et des foins que l'on fauchait un peu plus au sud, je sentais monter en moi cette force morale qui avait donné à nos ancêtres la possibilité de survivre dans cette région ignorée du reste du monde.

Roger Fournier, Gaïagyne

Bain de sons

Le matin, je m'assois sur la galerie. De la montagne, qui est de l'autre côté du lac, et tout autour de moi, les oiseaux dans l'air humide d'une pluie nocturne m'offrent un bain de chants. Je m'enrobe de cette eau soyeuse. Toutes les pores de ma peau absorbent les sons de l'aurore.

Brume

Je ne voyais rien devant moi que ce blanc de nuage. Le soleil la perçait en un seul point, y déposant une étoile. Regardant de la fenêtre, j'imaginais un paysage silencieux. Je me disais que pour les oiseaux cette brume était un espace infranchissable et mortel, où l'on ne peut ni voler ni trouver de la nourriture. J'ai ouvert la porte. Le foisonnant des cris et des chants dans l'air. Plus de mort. La mort est le silence. Que le délice de ce qui m'est invisible et le scintillement des chants.

vendredi 23 mai 2008

Trille

Comme au printemps

L'eau qui s'écoulait

Claire

A cessé de s'écouler

Noire

Elle est ce qui pourrit

Le bois décédé

D'où nait la vie

Autour d'elle

Les fougères ont poussé comme un hasard

Entre elles

Les trilles

Trilles blanches

Fleurissent

Se colorent

Roses

Brunes

Se fanent

Comme un printemps

lundi 31 mars 2008

Une ville en boite

Sur le mont Royal, au loin, les tours de l'Île des Soeurs ont la même forme que le lampadaire à l'avant-plan que je vois du chalet du Belvédère : une forme plus ou moins rectangulaire surmontée d'un petit chapeau. L'un et l'autre sont analogues. La lampe du lampadaire est ronde alors que l'édifice appartement de l'Île des Soeurs est rectangulaire. Il en va ainsi de notre civilisation de boîtes. Cela a commencé depuis des millénaires, cette construction rectangulaire. Elle est un des fondements de notre civilisation. Depuis peu la boîte est déformée par le vent. Les formes des automobiles s'arrondissent et surgissent dans le paysage des tours cylindriques dont chacun des appartements aux formes rondes tourne au vent, procurant de l'énergie aux habitants. Peut-on imaginer un paysage urbain composé de ces formes arrondies, lissés par le vent, douces à l'oeil. L'image du cercle appelle celle du recyclage, ce qui tourne sans cesse, ce qui est entrainé par le vent, ce qui est sculpté par lui.


mardi 25 mars 2008

Celui qui voit la loutre

Celui qui voit la loutre, je le connais depuis longtemps. Il s'est arrêté, il a entendu un bruit d'eau. Il a vu dans le ruisseau un museau sortir et entrer très rapidement. Je me suis immobilisé moi aussi. J'ai entendu tous ces oiseaux qui l'accompagnent quand il va en forêt. Mais il ne le sait pas qu'il les attire, qu'il les connaît, qu'il les convoque. Que l'espace de silence qu'il crée, les assemble autour de lui. Il a beaucoup lu sur eux, dans son enfance, puis les a abandonnés à eux-mêmes. Il me dit : j'ai vu une loutre. Je pense qu'il ne peut y avoir de loutre ici, à Val-David, dans ce parc très fréquenté. Que c'est peut-être une martre. Il est affirmatif, ce ne peut-être qu'une loutre. Et je suis certain qu'il a raison. Lui, il ne sait pas qu'elle a levé le nez pour le voir surgir dans le paysage. Il ne sait pas que je n'ai jamais vu de loutre. Je regarde le ruisseau, il est calme et fluide et ne révèle aucun autre mouvement que celui de son écoulement. Nous nous arrêtons un peu plus loin. Encore une fois, cela chante, cela s'élève. Il ne le sait pas qu'il appartient à la forêt et au calme de ce paysage.


mardi 18 mars 2008

Sons

Le paysage est tout entier contenu en ses sons. Chuintement, effleurements, gazouillis, frottements. Il faut fermer les yeux. Le paysage s'assemble, se lève en soi. Il prend corps. Il est composé, il est traduit en mots qui emportent et vous font apparaître dans le paysage, comme un corps, votre corps, qui voit le mouvement qui vous a créé dans ce paysage où surgissent oiseaux, branches, feuilles, arbres. Sifflements, effleurements d'eau sur la roche, glougloutements. Vous êtes d'eau. De l'eau prend forme. De l'eau parle de la neige. Souffle doux d'un coeur qui bat longtemps. Chaleur doucement insinuée goutte à goutte dans le sol. Je coule sur le sol. Je me lève. Des oiseaux aux ailes bleus effleurent mon visage transparent. Tourbillons. Fracas. Une cascade et son miroitement d'arcs en ciels. Autant dire que je me brise. Que le son s'enfle en moi pour me disloquer. Telle est ma mort. Un court instant. Le paysage tue constamment son silence. Les sons entrent en moi. Ils se dispersent et résonnent. Les branches sont agitées par le vent. J'aime ce froissement des feuilles attachées aux arbres dans le froid. Il craque. Il fissure. L'eau de nouveau détruit l'embâcle. Les paroles se libèrent. Un humain dit enfant. Une femme forme un rond de sa bouche. Le bruit de la langue qui humecte les lèvres. Une paupière glisse sur un oeil. Le sifflement d'une poudre sur la neige. Le visage se couvre de frimas. L'oeil regarde l'entonnoir de sons. Je ne parle plus. Le silence se déchire. Du sol émerge la plante en un léger chuintement, si tendre. Ce vert perle dans l'azur. Ce reflet dans l'eau de branches. Elle scintille de sons l'eau. Elle m'enlace une autre fois. Je suis debout, couvert de ses sons. J'ouvre le paysage avec ma bouche.

vendredi 14 mars 2008

Pinacle

Texte retiré temporairement

Publié dans la revue Estuaire no. 133 été 2008 intitulé Jardins d'ombre. En librairie.

jeudi 13 mars 2008

Inachevée

Le poète et la poésie ont inventé la nature, mais c'est un poème inachevé. Nous sommes à construire cette nature. Auparavant, nous affrontions l'univers et l'affrontant nous le détruisions. Il faut désormais vivre avec elle. Ce monde a été fait pour nous, ou plutôt nous avons été faits par ce monde pour que nous puissions de toute notre fibre vivre en lui. Indéfiniment, dans la joie. Ainsi cette neige qui tombe.


samedi 1 mars 2008

Bronze

Couleur mate figée des feuilles. Le coucher de soleil devant moi.
Le froid de bronze.

mardi 22 janvier 2008

Citation de Ashini de Yves Thériault

Qu'il soit gens des hautes pentes ou gens de vallons tortueux, l'homme scrutateur de pistes comme moi n'a pas craint la solitude s'il n'a jamais eu d'autre sort.
C'est d'avoir été et de ne plus être qui arrache à l'homme le dernier lambeau de sa joie. Il n'est point de science plus simple que celle de marcher seul dans un sentier.
Mais il n'est point de science plus complexe que de parcourir seul des sentiers où d'autres auparavant cheminaient avec soi.

vendredi 11 janvier 2008

Économie du paysage

Dépôt de la loi sur la conservation du patrimoine culturel. Il sera conservé à condition que cela ne nuise pas à l'économie. Ce patrimoine incluant le paysage. Quelqu'un (et plusieurs ) fait remarquer que le projet Rabaska dévisage le paysage que l'on voit de Québec. Quoi ! L'économie de la Ville de Québec n'est pas liée au tourisme, à la beauté du paysage !!!

Paysage de la fuite

Dans le film d'Arcand, L'âge des ténèbres, horizons bouchés de la banlieue, horizons clos de la circulation, horizons circulaires du travail. Le personnage principal, un fonctionnaire provincial, clôt tout espoir pour le client qui lui fait face dans un cubicule où ils ne peuvent agir, où ils sont tous les deux pris au piège. Avant le travail, dans les rues, bouches bouchées des passants, après le travail, oreilles saturées de bruits par les téléphones portables. Tout est retourné vers soi et n'aboutit qu'à une affirmation vide de soi. Le fonctionnaire s'évade, s'échappe, et affronte la solitude, non pas tant pour se rejoindre, mais après la mort de la mère, pour retrouver la maison du père. Là Arcand nous donne certaines des plus belles images du paysage québécois. Le personnage principal fait de nouveau corps avec le paysage. Il circule dans sa lumière. Il voit l'horizon, il est ce regard qui passe de l'eau du fleuve à ces magnifiques îles lointaines. Sons des vagues, l'unique son des vagues. Je me prends à l'envier de tout mon coeur. Qu'est-ce que j'attends pour fuir moi aussi? Rien, précisément. Comme lui, qui n'attendait rien. Il pèle des pommes, une femme lui sourit. La rondeur parfaite des pommes où le regard s'attache un instant pour glisser vers l'horizon. Merci Denys Arcand!

Nuit

Texte retiré temporairement


Publié dans la revue Estuaire no. 133 été 2008 intitulé Jardins d'ombre. En librairie.

lundi 31 décembre 2007

Vide et paysage : citation

Voici de la peinture, voici de la pensée. Je suis dans le paysage, le paysage est en moi. Je suis une montagne ou un océan, ou plutôt la montagne et l’océan m’habitent, ils ont une intention profonde. Rien de romantique, il s’agit d’un souffle, d’une énergie, je dois les laisser passer. La peinture est une écriture, je me recueille et j’atteins la « grande simplicité », le « non-séparé ». Je vais être allusif, évasif, libre, à l’aise. En réalité, je pars d’un vide actif, je reste en mouvement, j’arrive à garder tout en vol. Si je fais trop ressemblant, ce sera vulgaire, si je ne fais pas assez ressemblant, je tomberai dans la divagation. Je ne suis ni réaliste ni naturaliste.

Contrairement à ce qu’on m’a appris, la Nature raffole du vide, elle ne demande qu’à se déployer par rapport à lui. Le paysage n’est donc pas un décor, un tableau à recopier, mais un partenaire. Il me charge de parler à sa place, c’est du « spirituel animé ». Le fond est un jeu, il émerge, il s’immerge. Mon temps quotidien est celui des saisons. La société veut détruire ma vie, je la nourris en douce. Plus exactement, les montagnes ou les rivières s’en chargent pour moi. En restant assis près d’une fenêtre, avec une table propre, un pinceau et de l’encre, « j’explore les quatre coins du monde ». Un seul trait de pinceau, et c’est parti. Un seul trait de plume. Du coeur à la main, le poignet est l’organe essentiel. Je ne suis pas prisonnier de mon oeil, un coup yin, un coup yang, je rentre en contact avec ce fameux tao dont on fait un au-delà fumeux alors qu’il est la voie de la respiration elle-même. Shitao : « L’encre, en imprégnant le pinceau, porte à l’animation alerte ; le pinceau, en faisant évoluer l’encre, porte à la dimension d’esprit. » Jullien, qui analyse tout cela de très près, cite Picasso : « Si j’étais né Chinois, je ne serais pas peintre, mais écrivain. J’écrirais mes tableaux. » Bien entendu, nous sommes ici dans la poésie la plus stricte, mais surtout dans le « sans effort » (tian gong). Rien n’est fermé mais je dois sans cesse désobstruer, désobscurcir, ouvrir, éclairer. Ce que je peins, ce que j’écris sera ainsi au-delà de l’encre et du pinceau, et même au-delà des mots. Rien n’est « fini », tout se passe « comme si, sur le papier, naturellement, se produisait une peinture ». Et pourquoi pas comme si, sur le papier, naturellement, un livre s’était écrit ?»

Philippe Sollers

lundi 10 décembre 2007

Coalition pour les itinérants

Une coalition formée de groupes communautaires œuvrant auprès des sans-abri réclame du gouvernement Charest plus d'argent et une politique en matière d'itinérance afin de rendre les interventions gouvernementales, qui seraient trop éparpillées, plus efficaces.

Cette coalition déplore un manque de cohérence entre les différents programmes que ce soit en matière de prévention, de santé, de services sociaux et l'application de certaines lois.

Pendant ce temps, ses membres estiment que le phénomène de l'itinérance prend de l'ampleur au Québec et ne touche plus seulement les grandes villes comme Montréal.

En 1998, une étude de Santé Québec évaluait à plus de plus de 39 000 le nombre de personnes qui avaient recours aux refuges de nuit, aux centres de jour et aux soupes populaires à Montréal et Québec. Mais la situation aurait empiré depuis, puisqu'ils estiment à quelque 50 000 le nombre de personnes aux prises avec cette situation aujourd'hui.

Le 12 décembre prochain marquera le cinquième anniversaire de l'adoption de la loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La coalition profite de l'occasion pour inviter la population à manifester le 12 décembre sur la Colline parlementaire à Québec afin de réclamer une véritable politique en matière d'itinérance.


Source : 24 heures actualité

mercredi 21 novembre 2007

Respiration

pour Sophie et Sam


Lèvres roses

Peau brune

Bleu azur



Tout cela est lent



Nuages rosées

Enlacés au bleu transparent

Sur un lit de branches



Tout cela respire