samedi 19 mai 2007

La lande des cultivateurs




En allant reconduire mon fils à son cours de français, le long de la rue Louis-Joseph Papineau, je vois dans l'emprise des pylônes d'Hydro-Québec des clôtures entourant des lopins de terre. Le mot clôture est exagéré : ce sont des assemblages de toutes sortes de choses qui forment des remparts autour des lopins de terre. Vu à la fin de l'hiver, ce paysage singulier m'intrigue profondément, d'autant plus que l'idée que des gens puissent utiliser ce terrain pour la culture ne vient pas tout de suite à l'esprit. On n’imagine pas que des gens s'emparent ainsi d'une friche urbaine pour se nourrir.

Avant hier, j'ai eu le temps de marcher dans ce grand territoire occupé par des petits territoires. De nombreux hommes s'acharnaient à le piocher en lopins de dimensions irrégulières qui n'étaient pas tous protégés par une clôture. Je demande à un de ces «propriétaires» de quoi il en retourne. Il me dit que les gens font la culture ici, des Italiens, au début. Il me parle en créole, du moins presque en créole. Je lui demande comment ça marche. Je n'aurais qu'à prendre un terrain, à condition de le bêcher. Je lui en montre un, je dis celui-là, qui est en friche – il me répond «non, celui-là est déjà pris». Alors, je dis : «celui-ci». Il ne répond pas. Il sourit. Autrement dit : je peux toujours m'essayer même s’il sait que je ne le ferais pas. D'autres Haïtiens d'ici bêchent avec ardeur leur lopin. À une extrémité, un immense lopin clôturé dans lequel un autre cultivateur fait ses semis. Je demande s’il ne se fait pas voler ses légumes. «Bien sûr, bien sûr», me répond mon interlocuteur, comme si c'était un jeu, comme si cela n'avait pas d'importance. Sur les clôtures des lopins à l'est des pylônes, un écriteau demande le démantèlement des lopins pour l'automne 2007 aux fins de construction du prolongement de la voie rapide Louis-H Lafontaine. Greenpeace ne la connaît pas celle-là.




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