J'arrive au sommet de cette montagne, en sueur, dans ce sentier, où j'émerge dans la lumière. J'entends un bruissement de mots, un ensemble indéfini de phrases qui sont à la fois en moi et dans le paysage. Cet écoulement continu de sons fait parti de l'espace, du paysage, d'un infini calcul dans lequel je suis entré. Ce calcul infini m'informe, par ce flux continu de mots, de son existence ou plutôt, il est au coeur de mon existence, puisque je suis celui qui marche. Entrant dans ce paysage, marchant dans ce sentier, devenu nombre de son calcul, j'entends des mots et des sons déferler dans ma pensée. Ils sont ce calcul infini qui me projette d'un lieu à un autre, puisque ce calcul est l'espace même qui produit le temps, ma marche et le temps de ma marche. Si ici je m'arrête pour entendre, par ici je veux dire dans ce lieu où j'écris, je perçois tous ces mots, ils me dictent leur présence, puisqu'ils sont dans cet espace qui est à la fois calcul et hasard, bruit et musique. Ces mots je les choisis puisqu'ils me forment et je suis de nouveau dans ce sentier. J'ai fait un pas de plus entouré de sapins aux odeurs enivrantes sur ces pierres couvertes de mousses vertes et bleues, d'où émerge une verge d'or. Mon pied touche la pierre en un frottement sec. Puisque je suis sur une montagne, à son sommet et que je vois l'horizon fourmillant de mots, j'entends un son qui enveloppe cet arbre, le gravant dans ma mémoire. La sueur coule sur mon front et tombe, empreinte éphémère de sel sur la pierre . Je suis dans une fluctuation infinie de mots et de chiffres, au centre d'un calcul de chaque instant, aux innombrables variables, qui me lance vers un autre lieu. Toujours je l'entends ici ou là-bas, fourmillant de mots, il ne peut être arrêté, seulement être écrit, pour se lier à celui qui entend. Ce calcul est ces mots que j'entends avant de les écrire, il est l'espace qui, à chaque seconde, informe l'écoute d'un jaillissement de mouvements ou de couleurs, ils est mes bras qui s'avancent pour abolir la frontière entre ici et là, en écrivant ces mots. Je suis ici et là-bas. Dans cette tension sonore, je donne à l'espace la note d'une fin et d'un début, puisque ces mots m'enlacent tel un espace et que je lance ces mots délimitant l'espace de ma marche. Je vis cette marche, je suis au sommet, j'entends tous les mots du jour. Et ce soleil qui fait surgir les odeurs, cette fine brise, juste assez fraîche pour baigner mon corps de douceur, ce lent défilement de couleurs qui me traversent. Je vais être inventé au prochain instant, un espace affirme mon existence, je vais l'écrire. Je suis ici et là-bas, je suis un geste de trop, que j'inscris dans cet espace qui se tend de mots, poursuit sa dictée folle, dans l'instant je la saisis, à l'instant je fais un autre pas.
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