lundi 24 septembre 2007

Ciel clair

Pourquoi le ciel est-il si clair ? Son bleu pâle teinte d'une luminosité tendue les mouvements colorés
d'une terre rivée à ses âges. Le temps ne passe plus ? Seule la couleur que j'énonce me distingue de l'horizon. Je suis ce temps qui a passé.

Automne 1

Marcher dans le rouge. Atteindre un sommet. Un paysage fait d'écoulements de couleurs. Des fleuves de rouges, des rivières de jaunes passent entre des rives vertes et bleus lacs. Au plus loin, un léger sfumato nous entoure. Il pourrait être de la couleur de notre fin, il a celle de notre corps.

Voile

J'ai gravi cette montagne. Une fois, dix fois, cent fois? Au sommet de la montagne, dans l'air à peine translucide, j'entrevois la silhouette estompée d'un sapin. Un peu au-delà, dans les teintes de blanc, du gris passe et disparaît. Le paysage est un voile qui ondule lentement, un tissu froid fait d'ombres et de pâles éclaircies. Demain, dans la transparence de l'air, entouré d'un voile vibrant de couleurs, je gravirai cette montagne.

vendredi 21 septembre 2007

Marche 3

J'arrive au sommet de cette montagne, en sueur, dans ce sentier, où j'émerge dans la lumière. J'entends un bruissement de mots, un ensemble indéfini de phrases qui sont à la fois en moi et dans le paysage. Cet écoulement continu de sons fait parti de l'espace, du paysage, d'un infini calcul dans lequel je suis entré. Ce calcul infini m'informe, par ce flux continu de mots, de son existence ou plutôt, il est au coeur de mon existence, puisque je suis celui qui marche. Entrant dans ce paysage, marchant dans ce sentier, devenu nombre de son calcul, j'entends des mots et des sons déferler dans ma pensée. Ils sont ce calcul infini qui me projette d'un lieu à un autre, puisque ce calcul est l'espace même qui produit le temps, ma marche et le temps de ma marche. Si ici je m'arrête pour entendre, par ici je veux dire dans ce lieu où j'écris, je perçois tous ces mots, ils me dictent leur présence, puisqu'ils sont dans cet espace qui est à la fois calcul et hasard, bruit et musique. Ces mots je les choisis puisqu'ils me forment et je suis de nouveau dans ce sentier. J'ai fait un pas de plus entouré de sapins aux odeurs enivrantes sur ces pierres couvertes de mousses vertes et bleues, d'où émerge une verge d'or. Mon pied touche la pierre en un frottement sec. Puisque je suis sur une montagne, à son sommet et que je vois l'horizon fourmillant de mots, j'entends un son qui enveloppe cet arbre, le gravant dans ma mémoire. La sueur coule sur mon front et tombe, empreinte éphémère de sel sur la pierre . Je suis dans une fluctuation infinie de mots et de chiffres, au centre d'un calcul de chaque instant, aux innombrables variables, qui me lance vers un autre lieu. Toujours je l'entends ici ou là-bas, fourmillant de mots, il ne peut être arrêté, seulement être écrit, pour se lier à celui qui entend. Ce calcul est ces mots que j'entends avant de les écrire, il est l'espace qui, à chaque seconde, informe l'écoute d'un jaillissement de mouvements ou de couleurs, ils est mes bras qui s'avancent pour abolir la frontière entre ici et là, en écrivant ces mots. Je suis ici et là-bas. Dans cette tension sonore, je donne à l'espace la note d'une fin et d'un début, puisque ces mots m'enlacent tel un espace et que je lance ces mots délimitant l'espace de ma marche. Je vis cette marche, je suis au sommet, j'entends tous les mots du jour. Et ce soleil qui fait surgir les odeurs, cette fine brise, juste assez fraîche pour baigner mon corps de douceur, ce lent défilement de couleurs qui me traversent. Je vais être inventé au prochain instant, un espace affirme mon existence, je vais l'écrire. Je suis ici et là-bas, je suis un geste de trop, que j'inscris dans cet espace qui se tend de mots, poursuit sa dictée folle, dans l'instant je la saisis, à l'instant je fais un autre pas.

jeudi 20 septembre 2007

Marche 2

Je marche et je vois ces arbres dont le nombre m'échappe. Devrais-je dire des arbres au nombre incalculable, indéfini ou encore, comme Borges, des arbres dont on peut dire qu'ils sont en nombre fini. Sur ma route, en nombre fini, ils apparaissent, comme issus de mon regard et de ma pensée, qui les compte, avant qu'un autre regard et une autre pensée ne les voit et ne les compte à nouveau, et ce, indéfiniment. Nécessairement, le nombre de chaque chose qui se pose sous mon regard peut-être calculé, ou faire l'objet d'un calcul. Ce calcul compte les millions de choses qui peuplent cette forêt où je marche et les milliards d'actions de ces plantes, de ces animaux de ces insectes, à chaque instant s'entrelaçant entre elles, formant une toile d'évènements aléatoires à plusieurs dimensions. Ce calcul, qui compte dans sa folie la probabilité de l'action de chaque vivant, qui place les choses à l'endroit où mon regard et ma pensée les rencontrent, se connait-il, comme moi, quand je calcule le nombre de mes pas ou le nombre des arbres qui passent devant moi? Le premier acte de la conscience n'est-il pas de différencier une chose de l'autre et donc de pouvoir les énumérer, en les comptant. Ce calcul est-il conscient de son irrémédiable opération qui s'étend sur toutes les choses depuis le premier chiffre, ce zéro, qui ne se compte pas? Ce calcul fait de tous les gestes de ces vivants de la forêt qui émergent, s'entrelacent et meurent, existe de toute façon, même sans conscience, puisque l'espace et le temps existent et qu'ils peuvent être décrits par une opération mathémathique. Ne sait-il pas, ce calcul, comme moi, la signification éphémère du chiffre trente ou du chiffre mille, ne sait-il pas qu'il compte un nombre défini d'arbres dans la forêt pendant que se poursuit sa marche inexorable, sans moi, qui ai quitté la forêt? Me compte-t-il dans son calcul quand j'arrive sur ce sentier, entouré d'arbres dont le nombre est défini pour un instant dans ce calcul, sous mon regard et ma pensée? Il est comme moi, capable de saisir qu'il calcule et ce calcul même dépassera toujours de beaucoup les possibilités de ma pensée. À chaque instant, dans cette forêt, s'interpénétrant les actions des animaux, des insectes et le vent dans les feuilles. Ces évènements qui s'entrelacent entre eux selon une logique mathématique complexe et aléatoire peuvent être calculés, et ce calcul se produit au moment même où ces évènements surviennent. Il sait qu'il calcule les évènements de cette forêt puisqu'il est les évènements de cette forêt, comme je sais que je marche puisque je suis celui qui marche dans cette forêt, entouré par au nombre parfois indéfini ou parfois fini d'arbres. À chaque instant se poursuit ce calcul infini, en tenant compte de l'aléatoire de ma marche ou de ce loup imaginaire qui broie le cou d'une martre, comptant les possibilités infinies, attachant entre elles leur aléatoire présence, sur toute la forêt et au-delà de ma marche, sur tout l'horizon et au-delà de l'horizon, sur tous les horizons. D'une certaine façon c'est son opération qui me fait surgir sur le sentier, puisque je suis probable, comptant ou non les arbres, moi qui suis incapable de calculer la probabilité simple que telle feuille à l'automne tombe ou non à cet endroit précis du sentier à cet instant, ravissant de son rouge dense ma pensée. Mais si moi, je pourrais calculer et l'aléatoire de ma marche et celui de ces innombrables vivants qui s'entrelacent dans la forêt, je serai ce calcul, qui du zéro a surgi pour y retourner. Pour l'instant, je suis une part de ce calcul, qui ne sait pas comme moi ce que j'écrirai de lui ou de moi avant que je ne l'écrive, mais qui sait que je ferai sous mes doigts surgir un chiffre aléatoire, un hasard qui sera le nombre d'un calcul infini, dès que mes doigts auront cessé leurs mouvements, le surprenant d'un improbable chiffre, qui surgit sans que personne ne l'ait convoqué à bouleverser l'ordre des choses.

mardi 18 septembre 2007

Arbre creux


Dong non pas crac mais le dong d'un tambour au creux de la forêt, le long du sentier, tambour creusé par un lent pourrissement du centre qui ne touche pas l'écorce de l'arbre. Dans la forêt un immense bonsaï fait vibrer les feuilles et les branches des autres arbres de sa présence comme s'il réclamait la main qui le ferait sonore, c'est à dire creusé par le temps. Il nous surplombe, cet arbre, son vide on désire y entrer pour entendre la forêt, être dans sa cache pour saisir tout autrement le paysage, lancer un regard vers le haut de son fut évidé pour voir le ciel trembler un peu de ce espace particulier, foisonnant de matière perdue, orné de branches et de feuilles tournoyantes, qui voleraient avec lui s'il pouvait s'élever, si ses racines elles-mêmes étaient faites de ce vide qui comble son coeur de nos regards, nous qui nous arrêtons devant lui, imaginant ce geste que nous n'osons faire avec l'amplitude nécessaire : faire vibrer cet arbre et avec lui le sol et la forêt, amorcer le rythme d'une musique qui cesserait à peine, s'éteindrait lentement à la nuit, une fois la rivière bruissante du jour terminée. Dong et dong, Tam ti de lam, lame et lente, tendre et sec, le long du jour, dam ti de dam, la main caresse, elle bat un peu, le bois dong et dang, le vide repousse le vide, l'arbre monte vers le ciel, l'entourant, le protégeant, nous le donnant en une improbable musique, un exil de l'oeil vers le dedans enlevé des choses. Nous aurions volé comme cet arbre si nos racines auraient été creuses, pour aujourd'hui, dans cet instant de la rencontre avec cette éphémère présence du vide, nous imaginons cette musique, ample en nos torses, en notre respiration, elle rejoint la forêt qui vibre de nos pas qui s'éloignent de l'arbre creux.


samedi 15 septembre 2007

Shitao 2

Que l'esprit soit présent partout, et la règle informera tout ; que la raison pénètre partout, et les aspects les plus variés pourront être exprimés. S'abandonnant au gré de la main, d'un geste, on saisira l'apparence formelle aussi bien que l'élan intérieur des monts et des fleuves, des personnages et des objets inanimés, des oiseaux et des bêtes, des herbes et des arbres, des viviers et des pavillons, des bâtiments et des esplanades, on les peindra d'après nature ou l'on en sondera la signification, on en exprimera le caractère ou l'on en reproduira l'atmosphère, on les révèlera dans leur totalité ou on les suggérera elliptiquement .

Quand bien même l'homme n'en saisirait pas l'accomplissement, pareille peinture répondra aux exigences de l'esprit.

Car la Suprême Simplicité s'est dissociée, aussi la Règle de l'Unique Trait de Pinceau s'est établie. Cette Règle de l'Unique Trait de Pinceau une fois établie, l'infinité des créatures s'est manifestée. C'est pourquoi il a été dit : «Ma voie est celle de l'Unité qui, embrasse l'Universel .

vendredi 14 septembre 2007

Sentier 1

Pour l'instant pas de définition complète. Ce qui serpente entre les arbres, les arbustes et les rochers. Monte ou descend.


N.B. : Le corps n'est pas dans l'image.


jeudi 13 septembre 2007

Creux d'eau

Sur cette montagne, ou devrais-je dire dans cette montagnes, un minuscule lac entre deux strates rocheuses reflète le ciel, un bouleau et les feuilles des arbres. Je m'arrête. J'écoute. Les oiseaux s'immobilisent et ne cessent de chanter. J'attends que de furtifs animaux me révèlent la parfaite limpidité de l'eau. Elle s'écoule lentement. Je la regarde, elle oscille doucement. La clarté de l'eau est la source du ciel. Le ciel : ce mirage de l'eau.



Shitao

« Celui qui ne pourrait oeuvrer qu'à partir de la montagne et non à partir de l'eau serait comme englouti au milieu de l'océan sans connaître le rivage, ou encore serait comme la rive qui ignore l'existence de l'océan. Aussi l'homme intelligent connaît-il la rive en même temps qu'il se laisse entraîner au fil de l'eau; il écoute les sources et se complaît au bord de l'eau. »

mercredi 12 septembre 2007

Marche 1

Je marche dans la forêt Matawinienne, sur un sommet, le vent sèche ma sueur. Sur ma peau mouillée de sel, le soleil. J'aime cette sensation de suer dans la montée, cet effort récompensé par le sommet, son horizon; et dans ce sentier de la Matawinie, les odeurs de pin, la beauté des lichens et des mousses entrelacées. Dans mon carnet j'écris : Je marche dans un Bonzai. L'expression n'est pas exacte, je marche dans un Penjing. Les arbres, en majorité des pins et des sapins, poussent sur la roche, et toujours sur les sommets de la Matawinie des bleuetières. Dans cette marche, aujourd'hui ou demain, la sensation d'être plus léger, de respirer un autre air, d'être sous ce vent doux, entouré de la chaleur vivante des arbres. La lumière respirant la terre, fait naître de nouvelles sensations tumultueuses, lorsque je suis présent à ce lieu. En voilà les odeurs, en voilà les couleurs, en voilà l'espace; les trois intimement entrelacés dans la marche. En sueur, le corps ( ce que l'on appelle le corps) s'apaisant de l'effort de la montée, la respiration devenant moins heurtée, la sensation de glisser d'un lieu à l'autre, de voir et de ressentir le monde autrement, la douce opiniâtreté de l'air qui dis tu seras un autre en moi, je te respire et tu deviens pour un instant cet être d'un sommet du monde imaginé.

mardi 11 septembre 2007

Bloc erratique

Non pas météores tombés du ciel, ni même le résultat d'une guerre entre Titans ou Dieux, grandes pierres sur le sol, de dimensions variables, souvent panachées de végétation, surtout de fougères.

Elles n'ont pas chuté d'une quelconque montagne ou ont été lancées par une main majuscule, non, elles sont à la surface du sol, comme déposées, en fait, elles ont été laissées là par le mouvement des glaciers. En Mattawinie, couvertes de mousse, même ornées d'arbres, elles abondent. Les montagnes de la Matawinie sont anciennes, basses et ravinées, modelées lentement en plusieurs sommets qui forment à l'horizon une ligne sinueuse et incertaine, mais toujours harmonieuse, d'amplitude variable.

Certains sommets sont dru, d'autres plus ronds et courts, d'autres plats et longs, imposants. Les blocs erratiques ont été déposés sur ses montagnes et dans ces vallons, comme dans tout le reste du sol par la machinerie des glaciers qui a formé ce sol au sable caviardé de pierres. Les blocs erratiques n'ont pas été enfouis avec les autres pierres, ils ont été laissés là comme les traces d'un mouvement, qui fut colossal, mais pour ceux qui nous ont précédés elles étaient les signatures des mains de dieux terrifiants qui pouvaient lancer de tels cailloux à des distances phénoménales pour faire la guerre ou simplement pour s'amuser.


Blocs erratiques est le titre d'un livre d'Hubert Aquin.

jeudi 6 septembre 2007

Champignon

J'imagine en marchant que j'hallucine ces champignons. Qu'ils sont les pas dressés du néant. Ils apparaissent dans la marche, avec un pied plus ou moins long, qui porte un chapeau le plus souvent rond. Leurs couleurs varient. Ils sont jaunes, blancs, brunâtres ou rougeâtres. Ils poussent dans le sol en milliers de racines qui couvrent un très large périmètre, ce que nous voyons du champignon n'est que son organe reproducteur, le reste, enfoui, utilise les éléments nutritifs des arbres morts, des feuilles et du sol pour croître. De ce fait, ils sont considérés comme un élément important de l'écologie des milieux forestiers puisqu'ils participent à la décomposition des êtres vivants. Pendant notre marche, ils semblent surgir de rien, selon des couleurs qui tranchent parfois beaucoup avec la couleur du sol. Sous leur chapeau, des lamelles ou des tubulures contenant des spores, qui sont le fruit du champignon, minuscule, à peine discernable par l'oeil, comme poussière du rien qui féconderait les pas de celui qui cherche dans l'obscurité sa route. Dans la pénombre, ils peuvent apparaître comme ce qui ne serait venu de nulle part, comme si la vie pouvait être issue de rien; notre pensée étant encore attachée à la théorie de la génération spontanée, voir à un certain nihilisme. Nous croyons que les êtres peuvent surgir de rien, précisément. Nous forgeons notre route, convaincus que nous marchons sur ce rien du monde, alors ils apparaissent, les champignons, comme s'ils étaient surgis de notre imagination, nous les cueillons et les humons, nous interrogeant sur la comestibilité de celui-ci ou de celui-là. Ils sont si poreux qu'ils ne semblent faits de rien mais leur odeur et leur goût nous disent que nous sommes nous aussi une part de la nature, du moins, de ce monde, qui est origine également de notre pensée, de notre volonté et de notre imagination.

mercredi 5 septembre 2007

Mousse

Étoiles vertes, minuscules forêts envahissants les arbres et les roches, les dépouilles d'arbres et le sol spongieux. Verts mélangés, texture douce, feutre vivant. Dans la Mattawinie partout, sur les arbres morts, sur le roc des falaises ou des blocs erratiques, sur la moindre roche, dans cette humidité joyeuse et tendre de ces forêts ni trop denses ni trop clairsemées, telle la preuve qu'elles sont intouchées par l'homme, sauf le long de ces petits sentiers eux-mêmes couverts de mousse où on aime marcher.

Petites plantes aux formes variés, basses, vertes, rouges ou jaunes, on aimerait y dormir, être vêtu de cette fraîche couverture pendant une nuit qui serait trop longue et à notre réveil ressentir un début de jour frais, juste assez humide, doucereux, pour humer un air totalement nouveau, imprégné de la vie de ces plantes dont nous nous serions revivifiés. Puis, nous levant dans cette aube idéale, qui serait celle d'un début de monde, retirer ce manteau de mousse, pour le poser sur le sol afin qu'il rêve pour nous à l'éternité de cet instant de pur éveil.