Sur le mont Royal, au loin, les tours de l'Île des Soeurs ont la même forme que le lampadaire à l'avant-plan que je vois du chalet du Belvédère : une forme plus ou moins rectangulaire surmontée d'un petit chapeau. L'un et l'autre sont analogues. La lampe du lampadaire est ronde alors que l'édifice appartement de l'Île des Soeurs est rectangulaire. Il en va ainsi de notre civilisation de boîtes. Cela a commencé depuis des millénaires, cette construction rectangulaire. Elle est un des fondements de notre civilisation. Depuis peu la boîte est déformée par le vent. Les formes des automobiles s'arrondissent et surgissent dans le paysage des tours cylindriques dont chacun des appartements aux formes rondes tourne au vent, procurant de l'énergie aux habitants. Peut-on imaginer un paysage urbain composé de ces formes arrondies, lissés par le vent, douces à l'oeil. L'image du cercle appelle celle du recyclage, ce qui tourne sans cesse, ce qui est entrainé par le vent, ce qui est sculpté par lui.
lundi 31 mars 2008
mardi 25 mars 2008
Celui qui voit la loutre
Celui qui voit la loutre, je le connais depuis longtemps. Il s'est arrêté, il a entendu un bruit d'eau. Il a vu dans le ruisseau un museau sortir et entrer très rapidement. Je me suis immobilisé moi aussi. J'ai entendu tous ces oiseaux qui l'accompagnent quand il va en forêt. Mais il ne le sait pas qu'il les attire, qu'il les connaît, qu'il les convoque. Que l'espace de silence qu'il crée, les assemble autour de lui. Il a beaucoup lu sur eux, dans son enfance, puis les a abandonnés à eux-mêmes. Il me dit : j'ai vu une loutre. Je pense qu'il ne peut y avoir de loutre ici, à Val-David, dans ce parc très fréquenté. Que c'est peut-être une martre. Il est affirmatif, ce ne peut-être qu'une loutre. Et je suis certain qu'il a raison. Lui, il ne sait pas qu'elle a levé le nez pour le voir surgir dans le paysage. Il ne sait pas que je n'ai jamais vu de loutre. Je regarde le ruisseau, il est calme et fluide et ne révèle aucun autre mouvement que celui de son écoulement. Nous nous arrêtons un peu plus loin. Encore une fois, cela chante, cela s'élève. Il ne le sait pas qu'il appartient à la forêt et au calme de ce paysage.
mardi 18 mars 2008
Sons
Le paysage est tout entier contenu en ses sons. Chuintement, effleurements, gazouillis, frottements. Il faut fermer les yeux. Le paysage s'assemble, se lève en soi. Il prend corps. Il est composé, il est traduit en mots qui emportent et vous font apparaître dans le paysage, comme un corps, votre corps, qui voit le mouvement qui vous a créé dans ce paysage où surgissent oiseaux, branches, feuilles, arbres. Sifflements, effleurements d'eau sur la roche, glougloutements. Vous êtes d'eau. De l'eau prend forme. De l'eau parle de la neige. Souffle doux d'un coeur qui bat longtemps. Chaleur doucement insinuée goutte à goutte dans le sol. Je coule sur le sol. Je me lève. Des oiseaux aux ailes bleus effleurent mon visage transparent. Tourbillons. Fracas. Une cascade et son miroitement d'arcs en ciels. Autant dire que je me brise. Que le son s'enfle en moi pour me disloquer. Telle est ma mort. Un court instant. Le paysage tue constamment son silence. Les sons entrent en moi. Ils se dispersent et résonnent. Les branches sont agitées par le vent. J'aime ce froissement des feuilles attachées aux arbres dans le froid. Il craque. Il fissure. L'eau de nouveau détruit l'embâcle. Les paroles se libèrent. Un humain dit enfant. Une femme forme un rond de sa bouche. Le bruit de la langue qui humecte les lèvres. Une paupière glisse sur un oeil. Le sifflement d'une poudre sur la neige. Le visage se couvre de frimas. L'oeil regarde l'entonnoir de sons. Je ne parle plus. Le silence se déchire. Du sol émerge la plante en un léger chuintement, si tendre. Ce vert perle dans l'azur. Ce reflet dans l'eau de branches. Elle scintille de sons l'eau. Elle m'enlace une autre fois. Je suis debout, couvert de ses sons. J'ouvre le paysage avec ma bouche.
vendredi 14 mars 2008
Pinacle
Texte retiré temporairement
Publié dans la revue Estuaire no. 133 été 2008 intitulé Jardins d'ombre. En librairie.
jeudi 13 mars 2008
Inachevée
Le poète et la poésie ont inventé la nature, mais c'est un poème inachevé. Nous sommes à construire cette nature. Auparavant, nous affrontions l'univers et l'affrontant nous le détruisions. Il faut désormais vivre avec elle. Ce monde a été fait pour nous, ou plutôt nous avons été faits par ce monde pour que nous puissions de toute notre fibre vivre en lui. Indéfiniment, dans la joie. Ainsi cette neige qui tombe.