lundi 27 août 2007

Cascade


J'avance sur un sentier qui suit une rivière, des cascades se succèdent. J'aime ce bruissement constant de l'eau qui accompagne mes pas. Je m'approche d'une cascade pour la contempler. Elle est parfaite. J'ai le désir de la dessiner, mais je retiens ma main. Il me faut plutôt saisir le crayon pour écrire. L'eau se divise en deux, glisse sur un rocher ou le heurte, puis se sépare en quatre, fouille le fond de la rivière, frappe une autre roche et rejaillit de côté. Les pierres sont franches, noires et luisantes, blocs taillés avec soin, aux arrêtes définies. La cascade se divise en huit, suivant ma main, qui l'effiloche en bruyants jets d'eau, elle devient blanche, saturée d'air et s'allonge pour devenir seize branches d'eau contre les rochers, avec force et rapidité, saturant l'air d'humidité. Elle joue à devenir tout autre chose, on imagine à ce constant son qu'elle devient rapidement trente-deux petits vaisseaux d'eau, qui tombent plus bas, deviennent plus blancs, s'épanouissant en gerbe pour nous baigner d'une humidité constante, d'une vapeur d'eau devenue très blanche qui souffle sa rosée sur la main alors qu'elle devient soixante-quatre, imperturbable pyramide d'eau aux blocs de pierre parfaitement agencés. On la voudrait toujours figée dans sa splendeur. Elle est un son qui nous englobe comme la brume nous enserre complètement. Elle sera devenu cent-vingt-huit, se divisant sans cesse, sans que l'on s'en aperçoive, creusant sans arrêt la pierre, échafaudant une tour qui montera pendant que nous demeurerons ici, tout en bas, là où elle chute. Les fines lamelles d'eau ébrouées d'air tombent si lentement maintenant que nous ne ressentons plus le temps soudé à notre corps. Elles nous entourent d'un arc-en-ciel qui nous enivre, poursuivant sa course limpide, elle ne peut plus s'arrêter en nous. Nous sommes son regard, elle creuse en nous de profonds échos, elle est le bruissement de notre sang, qui court et se divise dans nos veines. Nous traversant, l'eau continue de traverser la pierre, nous sommes ces milliers de petits canaux de pierre dans laquelle l'eau tente d'échapper à la gravité sans y parvenir, virevolte en milliards de gouttes. Nous devenons cette nuée de pensée qu'elle engendre et la bruine de notre sommeil ne peut venir l'emporter, elle est l'image parfaite de ce qui tombe avec grâce, splendeur et douceur, l'image inaltérable de notre temps sur terre.

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